Maude Guérin : « J’ai encore besoin de me prouver des choses »

Ces dernières années, Maude Guérin a tourné plusieurs pages, tant sur le plan professionnel que familial. À l’aube de la soixantaine, la comédienne prend conscience que le temps avance et qu’il est urgent de vivre pleinement.

Après une période d’accalmie survenue avec la fin de 5e Rang, en 2024, Maude Guérin a repris du service, non sans avoir éprouvé un certain vertige durant ce passage à vide. Dans la populaire série Indéfendable, elle tient un rôle percutant et exigeant… comme elle les aime.

« J’ai accepté ce défi parce qu’Isabelle Chevrier m’a vraiment écrit un rôle consistant, soutient-elle. C’est un personnage difficile à rendre et intense à jouer, à un point tel que mon fils m’a demandé pourquoi on me confiait toujours des rôles “infaisables”, comme il aime le dire. Je lui ai répondu que ça devait être parce que je suis capable de les jouer… (rires) Je pense que c’est un compliment. »

Celle qui n’avait pas tourné depuis 5e Rang en est sortie revigorée. « Sur le plateau, on m’a vraiment accueillie avec un immense respect. Ça m’a fait du bien. Je me suis dit que j’étais encore une actrice. »

En doutait-elle? Eh oui, Maude l’avoue, il lui arrive encore d’être incertaine, malgré ses 39 ans de métier, ses multiples prix et l’amour indéfectible du public. Après tout, rien n’est jamais acquis.

« À chaque fois que je commence un nouveau projet, je me demande encore si je suis vraiment à la bonne place. Je veux toujours me dépasser et être à la hauteur des attentes des gens. Je ne me compare à personne. Ce regard, c’est par rapport à moi. J’ai encore besoin de me prouver des choses, car c’est un métier où l’on n’arrive jamais vraiment. Ceci étant dit, on est choyés de jouer et, pour cette raison, il faut donner tout ce qu’on a. »

Des rôles à la hauteur

Mais pour se donner entièrement, les rôles doivent être à la hauteur. « Après un certain âge, les rôles qu’on nous offre ne sont pas multidimensionnels. Est-ce qu’on pourrait présenter des femmes de mon âge qui ont des vies aussi remplies que celles des femmes de 30 ans? Car c’est notre réalité. Les choses ont changé, notamment à cause de la longévité. À 60 ans, nous sommes toujours actives, en forme. »

« Je veux choisir des rôles qui me nourrissent, poursuit-elle. Personnellement, j’aime les personnages comme celui qu’on m’a confié dans Société distincte. C’est une mère étouffante, un peu névrosée, infantilisante, qui attend son fils à la fenêtre. »

Volontaire de nature

Maude entreprend aussi des projets, notamment avec son amoureux des 18 dernières années, le poète Christian Vézina. Ensemble, ils montent sur scène pour présenter Lettres d’amour (adaptation de Love Letters, finaliste du prix Pulitzer de théâtre), un échange épistolaire d’une heure et demie.

« Nous avons plusieurs dates de spectacles à l’agenda en 2026, un peu partout au Québec. Tant qu’il y aura du public, nous allons continuer ce projet, qui a été présenté à travers le monde et joué notamment par Anouk Aimée et Jean-Louis Trintignant. »

L’urgence de vivre

Le 11 juin dernier, l’actrice a franchi le cap de la soixantaine… sans tambour ni trompette. « Je n’ai pas fait grand-chose, laisse-t-elle tomber. Je suis habile pour donner, pour célébrer, pour penser aux personnes que j’aime, mais je dois admettre que je ne me célèbre pas beaucoup. C’est ce que mon chum me dit aussi… »

Mais l’étape, fort heureusement, provoque une réflexion sur la suite. « Il y a des choses qui deviennent urgentes, poursuit-elle. J’avoue que je n’ai pas pensé beaucoup à moi en dehors de mon métier. Je crois qu’il faut que je commence à le faire, à tenir compte de mes désirs profonds. Mon fils a 23 ans. Il est autonome. La soixantaine est un moment pour renouer avec nos rêves, car on a du temps pour soi. J’ai toujours donné tout mon temps à mon métier et à mon fils. Je tournais le jour, je jouais au théâtre le soir. Maintenant que j’ai du temps, je souhaite le mettre à profit et réfléchir aux désirs que j’avais lorsque j’étais jeune, afin de les mettre en mouvement. Pour moi. Juste pour moi. Parmi eux, faire de l’équitation. »

Le deuil de ses parents

Récemment, des événements lui ont rappelé l’importance de vivre chaque instant. En 2024, à six mois d’intervalle, la comédienne a vu disparaître sa mère puis son père. À la suite de ces événements, elle s’est accordé un répit salvateur. « Ces quelques mois tranquilles m’ont fait du bien. J’avais besoin de faire mon deuil. Je n’ai pas eu beaucoup de vacances dans ma carrière. Ma mère a été en CHSLD à La Tuque pendant quatre ans, souffrant de démence. Mon père est mort d’un cancer de l’œsophage. Je leur parle tous les jours. J’ai vraiment une connexion avec eux, peut-être plus qu’avant parce que je ne les voyais pas beaucoup. J’ai été très présente pour mon père, qui avait été hospitalisé à Trois-Rivières. Je l’ai accompagné avec ma sœur. Comme j’avais du temps, je me suis installée près de lui. Nous avons beaucoup jasé. »

De son père, Maude retient qu’il était un éternel enthousiaste. Malgré les apparences, il se disait convaincu qu’il allait s’en sortir. « Il ne voulait pas mourir, dit-elle. À 86 ans, il avait encore des projets. Mes parents n’étaient plus ensemble depuis que j’avais 14 ans, mais on dirait que lorsqu’il a vu ma mère mourir, il a senti que c’était bientôt son tour. Son départ a rassemblé la famille. Il a aussi fait en sorte que je vende mon petit chalet en Mauricie. Comme j’habite maintenant à la campagne, je n’y allais plus beaucoup. Il faut savoir tourner des pages dans notre vie. Je ne suis pas attachée au matériel. Ce qui compte pour moi, ce sont les êtres humains : mon chum, mon fils, ma sœur, ma famille. »

Indéfendable est diffusé à TVA du lundi au jeudi à 19 h. On peut voir Société distincte les lundis à 21 h sur le même réseau et sur illico+.

Pour connaître les dates de spectacle : www.pourquoiproductions.com/lettresdamour.html

Photo : Bruno Petrozza
Maquillage : Anabelle Deschamps
Stylisme : Andréa Rahal
Chandail rose et veste : Part Two
Pantalon : Boss chez M/2
Boucle d’oreilles : Nina Nanas