L’espoir actif : un café avec Laure Waridel

À 52 ans, Laure Waridel continue de s’investir avec la même passion pour un monde plus juste et durable. Écosociologue, mère, grand-mère par alliance et militante, elle s’est imposée au fil des années comme une actrice de changement grâce à ses livres, ses conférences, ses chroniques et ses enseignements. Elle est également cofondatrice d’Équiterre, du Pacte pour la transition et du mouvement Mères au front.

C’est au sein de ce dernier que j’ai moi-même eu le privilège de la côtoyer et de découvrir sa profonde humanité. Pour Virage, je lui ai donné rendez-vous à la Maison du développement durable, à Montréal, pour discuter d’écologie, d’engagement et d’espoir, autour d’un bon café… équitable!

Laure, après plus de 30 ans d’engagement pour la protection de l’environnement, qu’est-ce qui continue à nourrir ta flamme?

On s’engage pour préserver la beauté du monde, des rivières, des forêts… pour que nos enfants et petits-enfants puissent respirer un air sain, courir, rire et rêver. Se connecter aux autres et continuer d’y croire, c’est une source d’énergie bienveillante inépuisable. Il m’est impensable de laisser tomber les enfants qui comptent sur les adultes pour les protéger!

Aussi, j’essaie de me concentrer sur les solutions et de me fixer des objectifs atteignables. Sauver un boisé, plutôt que sauver la planète entière, c’est plus motivant!

Tu es toujours investie dans une multitude de projets. Comment fais-tu pour ne pas t’épuiser?

Ma fille est la gardienne de mon équilibre. Alphée est arrivée dans ma vie il y a 20 ans. Elle est née avec le syndrome Smith-Lemli-Opitz, une condition qui affecte son développement cognitif et physiologique. Alphée vit dans le moment présent et dans la lenteur. Elle adore les animaux et la nature. Elle m’aide à ralentir, à contempler et à revenir à l’essentiel.

En ces temps incertains, où trouver l’espoir?

Dans l’engagement! S’impliquer, c’est faire la rencontre de nombreuses personnes qui y croient, qui agissent et qui ont un impact positif dans leurs milieux. Ça nous prouve, très concrètement, qu’on a le pouvoir de changer les choses. C’est pour ça que l’engagement fait tant de bien.

À l’inverse, quand on reste en solo devant le téléjournal, on devient cynique. Et le cynisme, c’est notre pire ennemi. Je dis souvent aux sceptiques : « Imaginez si on n’avait rien fait! » Il faut arrêter de dire qu’il est trop tard. Les spécialistes l’affirment : chaque tonne de CO2 évitée ou chaque milieu naturel qu’on aura sauvegardé compte. Il ne sera jamais trop tard pour faire ce qui est juste. C’est à ça qu’on doit s’accrocher.

Photo: Bruno Petrozza

Qu’est-ce qui te distingue aujourd’hui de la jeune Laure de 15 ans, qui militait déjà pour la justice?

Je n’ai pas l’impression d’avoir tant changé. Ma vision est la même, et je crois toujours en notre pouvoir de faire une différence, individuellement et collectivement. Je suis peut‑être mieux outillée, et moins naïve. Mais cette naïveté m’a permis d’entreprendre des projets d’envergure, comme faire connaître le commerce équitable et en faire un sujet de mobilisation citoyenne.

Mères au front, que tu as fondé avec Anaïs Barbeau-Lavalette, célèbre ses cinq ans cette année. Qu’est-ce qui te rend particulièrement fière de ce mouvement?

Mères au front est un mouvement qui m’émerveille, par sa nature décentralisée. Ce sont des milliers de graines semées par des mères, des grand-mères et des individus alliés, qui poussent partout sur le territoire. Ce sont des personnes de tous les horizons qui, souvent, ne s’étaient jamais impliquées auparavant, réunies par le même désir de rendre le monde meilleur autour d’elles, pour l’amour des enfants. Et le mouvement ne cesse de croître, ça me touche profondément et me remplit de joie.

Et maintenant, quel est ton prochain projet?

Mon conjoint, Bruce Johnston, et moi travaillons sur un projet inspiré par Alphée, qui verra le jour dans quelques années. Le Jardin des possibles sera un milieu de travail, de vie et de contemplation en pleine nature, avec jardin, potager, animaux de la ferme, et plus encore. Il favorisera la santé et le bien-être des personnes neuroatypiques, qui viendront apprendre et exercer un métier, en contribuant selon leurs forces, leurs intérêts et leur unicité.

Tu vas œuvrer à changer le monde pendant combien d’années encore?

Toute ma vie! Du moins, je le souhaite de tout cœur. Ça fait partie de moi, et ça me rend heureuse. Je me sens privilégiée.

Les livres de Laure Waridel :

  • L’envers de l’assiette et quelques idées pour la remettre à l’endroit, Nouvelle édition 2012, Écosociété
  • Acheter, c’est voter : le cas du café, 2005, Écosociété
  • La transition, c’est maintenant : pensées et pratiques pour la transition écologique, 2019, Écosociété