Impossible de résister à l’envie de regarder votre cellulaire, même pendant un rassemblement familial ? Difficile de quitter votre tablette ou votre ordi pour aller marcher ou voir vos amis ? Pas besoin d’être cyberdépendant pour subir les effets négatifs de la techno, une réalité qui touche tous les âges. Voici quelques trucs pour conserver l’équilibre.
Maurice Gohier a travaillé de nombreuses années dans le domaine de la sécurité. Baignant dans la techno toute la journée, il avait mis en place plusieurs stratégies pour limiter son exposition aux écrans. « J’essaie de me brancher par bloc de temps et de me fixer un horaire », explique-t-il. Chaque matin, il arpente le parc près de chez lui pour photographier le lever du soleil sur le fleuve. Puis, il rentre à la maison pour déjeuner, traiter ses clichés et les publier sur les réseaux sociaux. Bref, il tente de conserver l’équilibre. « J’utilise aussi mon cellulaire comme un téléphone et je n’ai qu’un minimum d’applications. »
Gare à l’hyperconnexion
Depuis que l’heure de la retraite a sonné, ces bonnes habitudes lui permettent de ne pas se perdre des heures sur le Web. En effet, plus on avance en âge, plus on a de temps libre. Si bien que l’utilisation la plus intensive des technologies se trouve chez les 18 à 34 ans et chez les 65 ans et plus, selon des données de la direction de la santé publique de Montréal. Plus d’une personne de 65 ans et plus sur cinq passait au moins quatre heures derrière un écran chaque jour chez les participants à cette étude de 2018.
Or, plus on s’expose aux écrans, plus le risque d’en ressentir les contrecoups augmente, avertit Magali Dufour, professeure au département de psychologie de l’UQAM et chercheure à l’Institut universitaire sur les dépendances.
« Cette grande utilisation, l’hyperconnexion, amène certaines conséquences négatives sur la santé physique, psychologique et même sur les relations. Par exemple, on peut avoir de la difficulté à s’endormir ou se sentir un peu déprimé après avoir été connecté longtemps. » D’autres effets peuvent s’ajouter au portrait, comme la sédentarité et les problèmes oculaires.
Pour une utilisation saine
Afin de limiter ces effets, Magali Dufour prône une utilisation consciente de la techno, plutôt que l’abstinence. « Les écrans sont fantastiques pour garder le contact, pour se divertir, etc. Le danger, c’est qu’on n’ait plus envie de rien faire d’autre. Tout est dans l’équilibre. » Ainsi, il faut d’abord dresser le bilan de son utilisation, en calculant le nombre d’heures passé derrière un écran chaque jour.
« Au-delà de la quantité, il faut aussi réfléchir à ce que ça m’apporte. Est-ce que je me connecte pour faire de la méditation ? Est-ce moi qui choisis mes moments de connexion ou c’est la technologie qui m’invite à en consommer, avec les notifications ? Bref, il faut observer ses gestes et comprendre la place que cela prend dans sa vie », ajoute Laurie Michel, fondatrice de Vivala, entreprise spécialisée en bien-être numérique et conférencière.
Après cette introspection, on passe à l’action en établissant ses propres règles. « Est-ce que je me branche une heure le matin et je recommence à 15 h ? Est-ce que je ferme tout à 21 h pour ne pas affecter mon sommeil ? Est-ce que j’évite d’ouvrir mon cellulaire dans les transports en commun ? », détaille Magali Dufour. Laurie Michel suggère de se fixer des plages horaires de connexion. Ensuite, on met à l’agenda une activité pour bouger ou socialiser, histoire de compenser.
Accro à son cellulaire
Il faut également prendre conscience de son utilisation du cellulaire, qu’on consulte souvent par automatisme ou à la moindre notification. « Les écrans nous volent parfois des instants précieux, quand on est avec sa famille par exemple, parce que notre attention est ailleurs. Cela nous déconnecte du moment présent, là où se construisent nos souvenirs », fait valoir Laurie Michel.
On appelle d’ailleurs « télésnobisme » le fait d’interrompre une conversation pour regarder son téléphone, ajoute-t-elle. Un geste qui est non seulement impoli, mais qui peut affecter nos relations. « Plus du tiers des utilisateurs poserait ce geste deux à trois fois par jour. Cela peut paraître anodin, mais c’est très irritant pour les autres. »
Or, il peut être difficile de déjouer nos réflexes, alors que les applications sont conçues pour nous ramener vers l’écran, souligne-t-elle. « Les notifications agissent sur notre système de récompenses en nous envoyant de petites doses de dopamine. Les dirigeants des réseaux sociaux travaillent même avec des neurologues et des psychologues pour nous attirer. »
Pour limiter l’influence de la techno, Laurie Michel suggère de déterminer un endroit précis, comme un tiroir, où ranger son téléphone. « On peut l’y placer à partir d’une certaine heure ou quand on s’apprête à plonger dans un livre. En effet, le simple fait d’avoir son cellulaire sous les yeux réduit notre attention », donne-t-elle en exemple. De la même manière, pourquoi ne pas laisser ses écrans au vestiaire lors de rassemblements familiaux ou au restaurant ?
La spécialiste propose de passer au mode « Ne pas déranger », qui ne laisse passer que les appels urgents. Différentes applications, comme Vivala Offlilne, Forest ou Appblock, peuvent aussi être utiles.
L’important, c’est de tester différentes stratégies tout en demeurant conscient qu’il peut être ardu de se sevrer de la techno, avertit Laurie Michel. En effet, de plus en plus de personnes éprouvent de l’anxiété ou même de la peur quand elles n’ont pas leur téléphone, un phénomène appelé « nomophobie » (no-mobile-phone-phobia). « On risque donc de vivre des échecs et c’est normal, souligne-t-elle. Il faut y aller progressivement ! »
***
Besoin d’aide ?
Vous avez l’impression que vous avez perdu le contrôle sur votre utilisation du Web ? Vous n’arrivez pas à vaquer à vos occupations ? La ligne Jeu : aide et référence (aidejeu.ca, 1 800 461-0140, 514 527-0140) offre du soutien aux personnes cyberdépendantes.