Sur la route bleue

Après le prêt-à-assembler, le prêt-à-camper et le prêt-à-manger, voilà que débarque sur nos plans d’eau la formule prêt-à-pagayer de la Route bleue. Le but : faciliter la découverte de notre patrimoine nautique en embarcation non motorisée. À vos pagaies!

Trois-Rivières. Ce toponyme fait référence au delta que forme le Saint-Maurice en se jetant dans le fleuve Saint-Laurent. L’endroit m’a toujours fasciné, car il s’agit du point de rencontre de deux de nos plus importants cours d’eau. Or, je n’avais jamais pris la pleine mesure de cette zone alluviale avant de pagayer sur le circuit Estuaire fluvial section Trois-Rivières de La route bleue.

Dans les bras de ce delta, j’ai découvert un Trois-Rivières fascinant, combinant nature sauvage et âme industrielle, avec la Wayagamack, immense usine de papier de la Kruger inaugurée en 1912 et toujours en activité, qui se situe sur une île à l’embouchure du Saint-Maurice. La découverte de cette zone trifluvienne se fait à travers une route bleue. Cet itinéraire prêt-à-pagayer donne tous les renseignements utiles pour aider à la planification d’une sortie sur l’eau en toute sécurité. Par exemple, elle indique le point de départ (le parc Vivian-Dober), l’itinéraire à suivre, la distance, sa durée approximative, le niveau de difficulté, le sens du courant, les dangers et les attraits. Pour des gens de l’extérieur de Trois-Rivières, et probablement ceux qui y habitent, ça donne un sérieux coup de pouce afin d’explorer les lieux de façon autonome.

Démocratiser la pagaie

La Route bleue, c’est le nouveau réseau de circuits piloté par Canot Kayak Québec (CKQ), la fédération sportive qui encadre la pratique autonome et récréative des activités de pagaie. Il s’agit de la formule renouvelée du Sentier maritime du Saint-Laurent, un itinéraire qui facilitait la découverte de l’entièreté du fleuve, de la frontière ontarienne jusqu’au Labrador et au Nouveau-Brunswick, dans les débuts des années 2000. Ce projet très ambitieux, long de 2000 km, a cependant coulé à pic au fil du temps en raison d’un manque de financement et d’amour.

« Cette fois-ci, la Route bleue ne s’adresse plus exclusivement aux pagayeuses et pagayeurs avertis, comme le faisait le Sentier maritime du Saint-Laurent. Les différentes routes bleues visent tous les niveaux de pagayeurs, de débutants à experts », explique Marie-Claire Audet Gagnon, coordonnatrice de La route bleue, dont le nom englobe une multitude de routes bleues régionales.

En 2023, CKQ et ses partenaires ont inauguré dix routes bleues, qui sont des parcours qui se naviguent en quelques heures. Chaque voie, en boucle ou linéaire, est tracée en collaboration avec des acteurs régionaux qui connaissent le territoire comme le fond de leur poche. Par exemple, dans le cas de Trois-Rivières, CKQ a fait appel au Comité ZIP Les Deux Rives à toutes les étapes de la conception.

Bref, on est à mille coups de pagaie d’un projet développé dans des bureaux de Montréal, loin du terrain. « Chaque itinéraire profite du savoir local. On vise à nouer des partenariats locaux avec des fournisseurs d’équipement nautique, des commerces et des hébergements afin d’ancrer les routes bleues le mieux possible dans leur milieu », dit la coordonnatrice. Par exemple, pour le circuit de Trois-Rivières, il est possible de louer tout le matériel nécessaire à une sortie sur l’eau chez Maïkan Aventure, qui se trouve directement sur le site de départ. L’entreprise possède aussi un autre centre de location sur l’île Saint-Quentin, à mi-chemin du parcours.

Tempête de nouveautés

Cet été, la Route bleue donne un gros coup de rame avec l’inauguration de 65 nouveaux circuits. Des 17 régions administratives du Québec, 13 sont désormais couvertes avec des parcours en eau vive, en eau calme et en milieu marin. Par exemple, trois itinéraires voient le jour sur le lac Matapédia, dans la vallée du même nom, en Gaspésie. Les rivières Nicolet et Saint-François, dans le Centre-du-Québec, intégreront le réseau. Une autre route bleue descendra la rivière du Nord, dans les Laurentides, dans le secteur de Piedmont. En Montérégie, plusieurs trajets faciliteront la découverte de la rivière Richelieu.

Et ce n’est pas fini. « Nos experts ont cartographié plus de 2500 km de plans d’eau », dit Marie-Claire Audet Gagnon. Pour le moment, il n’y a que des trajets à la journée qui ont été dévoilés, mais des parcours d’expédition sur plusieurs jours seront annoncés en 2025. Ces voies navigables comprendront entre autres les rivières Dumoine (à la frontière entre l’Outaouais et l’Abitibi-Témiscamingue), Noire et Coulonge (Outaouais) et Mistassini (Saguenay–Lac-Saint-Jean).

CKQ vise à redonner l’accès à nos cours d’eau, de plus en plus menacés par la privatisation des berges à la vitesse grand V. « Le problème, c’est que les gens ne savent pas où mettre leur embarcation à l’eau, car ils ignorent si les accès sont publics ou privés », dit Marie-Claire Audet Gagnon. La fédération de plein air pense aussi que plus les gens pagayeront sur les rivières, le fleuve et les lacs, plus ils auront à cœur de protéger ce patrimoine nautique.

Envie d’explorer une route bleue? Un site Web spécialement dédié répertorie les parcours accessibles. L’outil de recherche permet de fouiller par niveau de difficulté, région touristique et milieu (eau vive, eau calme ou marine). On navigue sur la carte interactive pour trouver une route bleue près de la maison, de quoi devenir un explorateur de son propre milieu. Le site Internet comprend aussi une panoplie d’informations en vue de préparer une sortie sur l’eau, comme une liste de vérification de matériel.

Ce réseau national, qui se veut le pendant nautique de la Route verte de Vélo Québec et du Sentier national au Québec de Rando Québec, se dévoile en kayak, en canot, en planche à pagaie, en kitesurf ou encore à la voile. Le Québec est un pays de lacs et de rivières, pourquoi ne pas en profiter?    

Photo : Simon Diotte