Immobilier : aider ses enfants à devenir propriétaires?

Avec la hausse des prix dans l’immobilier, est-ce une bonne idée de donner un coup de main financier pour aider ses enfants à devenir propriétaires?

Malgré le contexte difficile, une majorité de jeunes adultes rêve encore d’accéder à la propriété. Selon un sondage récent de la Banque Scotia, 58 % des non-propriétaires canadiens de 18 à 43 ans envisagent d’acheter une maison d’ici cinq ans. En ce sens, 63 % des membres de la génération Z (nés entre 1997 et 2012) et 54 % des Y (nés après 1981) ont fait des démarches d’information auprès d’une institution financière.

C’est pourquoi le tiers des parents ont offert un coup de pouce à leurs héritiers, selon une étude de 2021 réalisée par l’économiste Benjamin Tal, de la Banque CIBC. Au Québec, 20 % des premiers acheteurs de maisons ont bénéficié d’une aide parentale.

De plus, le tiers des parents de propriétaires font tellement confiance à leurs enfants qu’ils ont donné un coup de pouce moyen de 128 000 $ pour leur permettre de déménager dans plus grand!

Il peut être très satisfaisant d’aider financièrement ses enfants de la sorte. Pour ce faire, plusieurs moyens s’offrent à vous, mais vous devrez choisir le plus approprié à votre situation financière. Il ne faudrait surtout pas envenimer les relations familiales futures, car les questions d’argent sont la première raison des querelles familiales.

L’héritage

La principale forme d’aide : donner son héritage de son vivant, en tout ou en partie. C’est le plus simple. D’autant plus que les dons aux enfants ne sont pas imposables pour les donateurs ou les bénéficiaires. Mais la disposition d’actifs entraîne un gain de capital imposable, y compris les dons en nature, comme celui d’un chalet ou d’un terrain. Les dons importants aux enfants mineurs sont particulièrement surveillés par le fisc.

Sachez que tout don est irrévocable : l’enfant en dispose à sa guise. Un don notarié le rend insaisissable dans certaines circonstances, notamment si le bénéficiaire a des problèmes financiers ou s’il divorce. Rappelons qu’un mariage sur deux finit ainsi et qu’une majorité de couples en union de fait ne survit pas à l’usure du temps…

Le prêt

Vous pouvez également accorder un prêt, avec ou sans intérêt. Sachez que l’intérêt sur un prêt important pourrait être imposable. Dans certaines circonstances, pour plus de justice, un fiscaliste pourrait répartir la charge fiscale entre vous et le bénéficiaire. Il est donc préférable d’accorder un prêt sans intérêt.

Autre avenue : l’endossement du prêt hypothécaire. Pour certains emprunteurs, c’est le seul moyen face à des prêteurs frileux. Vous devez alors vous poser certaines questions :

  • Pourquoi mon enfant a-t-il un mauvais dossier de crédit?
  • Est-il assez stable, a-t-il assez de discipline ou les moyens financiers de payer une hypothèque et d’assumer toutes ses autres responsabilités financières?
  • Si la banque exige le rappel du prêt, ai-je les moyens ou le goût de me transformer en propriétaire, surtout si mon enfant a des problèmes (ça peut aller jusqu’à l’expulsion)?
  • Si votre enfant ne respecte pas les conditions du prêt que vous lui avez accordé, aurez-vous le courage de sévir? Avez-vous mis au clair les conséquences avec lui?

Se porter garant d’un prêt pour son enfant vous rend solidairement et conjointement responsable, ce qui entraîne un risque pour vos finances personnelles et pour votre succession.

Le protéger

Dès qu’on prête ou qu’on donne des milliers de dollars à quelqu’un, on doit laisser une trace écrite. Pour un prêt, vous devez impérativement en préciser les conditions : échéance, paiements, intérêt, pénalités en cas de non-remboursement. Si vous prêtez, vous jouez au banquier : ce rôle peut devenir très déplaisant. Pour tout don ou prêt de plus de 2000 $, ayez un témoin, normalement quelqu’un qui n’est pas le conjoint ou un proche du bénéficiaire.

Comme c’est vous qui aidez, vous pouvez spécifier par écrit que vous accordez cette aide à votre enfant uniquement, et non à sa conjointe ou son conjoint. Ce sera utile en cas de séparation, s’il est en union de fait. S’il est marié, c’est plus compliqué : le don a-t-il été effectué avant la date du mariage? Il vient alors gonfler le patrimoine personnel de votre enfant.

D’autre part, on a vu des querelles de succession s’articuler autour de l’aide financière accordée à un des héritiers. Il est préférable d’ajouter à son testament que le don ou le prêt est déduit de l’héritage de la personne concernée.

Enfin, consultez votre conseiller financier, qui pourra vous confirmer que vous avez les moyens d’aider vos héritiers et, surtout, préciser l’étendue de cette aide. Car tout don entraîne une perte de revenus d’intérêt et, souvent, une disposition d’actifs qui est imposable. Vouloir aider ses enfants ou petits-enfants peut coûter très cher.

Dans un autre texte pour Virage, j’avais ainsi expliqué qu’une telle générosité peut lourdement affecter votre train de vie à la retraite. Dans mon exemple, j’écrivais qu’un don de 40 000 $ pourrait amputer jusqu’à 86 000 $ du trésor de guerre d’un couple de retraités.

Un bon moyen de contourner ce problème : limiter son aide à la mise de fonds qu’avancera votre héritier. Pour une propriété de 400 000 $, il faudra avancer 20 000 $ pour se conformer à la garantie de 5 % de la SCHL, souvent exigée des premiers acheteurs. Pour éviter cette garantie, on parle de 80 000 $ si c’est 20 %.

Vous pouvez aussi suggérer l’achat d’un condo au lieu d’une maison, ce qui représente un bon moyen d’accéder à la propriété. Votre enfant pourra l’habiter jusqu’au moment où ses rejetons fréquenteront la garderie. Ce sera une belle manière de confirmer qu’il peut se payer une maison.

Le texte a été modifié depuis sa publication. La version précédente indiquait que les dons aux enfants de plus de 75 000$ sont imposables, ce qui n’est pas le cas.