Après 50 ans, d’aucuns carburent aux voyages et en font même leur principal projet de retraite. Paul Arseneault, professeur à l’École des sciences de la gestion de l’UQAM et titulaire de la Chaire de tourisme Transat, répond à nos questions sur le tourisme en temps de crise.
Virage : Quand l’industrie touristique va-t-elle redémarrer ?
Paul Arseneault (P.A.) : « La plus grande probabilité, c’est que le tourisme ne va pas se redéployer avant de très nombreux mois. Au Québec, l’offre risque fort d’être moindre parce que beaucoup d’entreprises touristiques et de restaurants ne passeront pas au travers et parce que plusieurs événements et festivals n’auront pas lieu. Quant à la demande, bien des gens n’auront pas les moyens de voyager car ils auront subi une baisse significative de leurs revenus ou encore annuleront leurs vacances d’été parce que leur entreprise reprendra aura récemment repris ses activités. »
Virage : Et qu’en est-il des voyages à l’étranger ?
P.A. : « Ça va être très long. L’aviation est touchée de plein fouet. Il faudra des milliards de dollars pour la remettre à flot et les coûts d’opération vont exploser, ce qui se répercutera sur le prix des billets, dans un contexte où il y aura peu de concurrence. Aussi, tant qu’il n’y aura pas de vaccin et qu’un risque de résurgence du coronavirus planera, bien des touristes seront refroidis par la perspective d’une nouvelle fermeture des frontières. Ils éviteront de réserver à l’avance pour ne pas que leur argent ne se retrouve gelé dans un crédit voyage pour une durée indéterminée. »
Virage : Que faudra-t-il pour relancer l’industrie des croisières ?
P.A. : « Ce secteur a été affecté financièrement de façon monumentale. Pour rassurer les voyageurs, en particulier la clientèle âgée, les gros navires de croisière n’auront d’autre choix que de s’équiper de zones de quarantaine, de chambres à pression négative et de protocoles de niveau hospitalier. Les croisiéristes auront aussi de nouvelles obligations liées à la capacité d’accoster s’il y a des gens malades à bord. Reste à voir si les bas prix arriveront à atténuer les craintes des gens. »
Virage : Est-ce que les gens vont voyager autrement ?
P.A. : « Quand les enjeux sanitaires seront choses du passé, j’ai l’impression qu’on se tournera d’abord vers le tourisme de proximité, c’est-à-dire les voyages au Québec, en Ontario, dans les Maritimes, en Nouvelle-Angleterre ou en Floride. Aussi, les endroits de faible densité de population et de fréquentation risquent d’être plus courus pendant un certain temps. La location de maisons de campagne pourrait notamment avoir la cote. »
Virage : Quel mode de transport sera privilégié ?
« Longtemps encore, les voitures et les véhicules récréatifs vont nous apparaître comme des îlots de sécurité par rapport à l’avion, au navire de croisière ou à l’autocar. »