Un ministre ami des aînés

Toute sa carrière durant, Dr Réjean Hébert a démontré une grande passion pour la santé et pour les aînés. Aujourd’hui, ce chercheur, gériatre et gérontologue de renom se retrouve avec des fonctions de rêve pour l’homme d’action qu’il est : le double chapeau de ministre de la Santé et des Services sociaux et de ministre des Aînés. Rencontre de première ligne avec l’un des politiciens les plus influents de l’État québécois.

Virage : Vous ne trouvez pas que c’est beaucoup pour un seul homme, le ministère de la Santé et des Services sociaux ( MSSS ) et le ministère des Aînés ?

Réjean Hébert : « Non. Je trouve intéressante l’intégration que ça permettra de faire. On assiste au cours des dernières années à une démarche assez parallèle du Secrétariat des Aînés et du MSSS, où il y a des chevauchements. Notre projet de soutien
à domicile et d’assurance-autonomie va nécessiter une intégration beaucoup plus grande. Par exemple, ce qu’on fait avec les proches aidants au Secrétariat des Aînés et ce qu’on fait avec les aidés au MSSS, ne peut être fait en parallèle ; il y a une cohérence nécessaire entre les deux.

« Je suis très très conscient que ça pourrait faire en sorte qu’on résume l’action aux aînés à tout ce qui se fait en santé alors que ce n’est pas le cas du tout. La place des aînés dans la société a pour moi une importance incontournable. Je crois qu’il y a un avantage à avoir une voix pour les aînés qui déborde le Secrétariat des Aînés et qui prenne une place importante au sein du gouvernement. »

Virage : À l’aube de ce mandat, quel est votre message aux aînés de la province ?

R.H. : « Je dis souvent que ce qui est bon pour les aînés est bon pour le reste de la population. Par exemple, si on donne un accès plus facile à un fauteuil roulant, c’est bon aussi pour les familles avec des poussettes. Pour moi, le vieillissement de la population n’est pas un problème, c’est une opportunité pour la société d’évoluer.

« Le vieillissement de la population va permettre de s’attaquer aux maladies chroniques, qui touchent tous les âges, tout comme la prévention, l’accès à la première ligne et les stratégies pour garder les séniors en emploi plus longtemps. Les soins à domicile
aussi, c’est bon pour les aînés et c’est bon pour les proches aidants et les familles. Mon message, c’est que ce qu’on va faire pour répondre au vieillissement de la population est une approche qui vise les personnes âgées mais qui va profiter à l’ensemble de la société. Le vieillissement de la population est le défi du XXIe siècle et on doit absolument le relever pour faire progresser le Québec. »

Virage : L’assurance-autonomie est au coeur de votre projet. Qu’en est-il exactement ?

R.H. : « À la loterie de la perte d’autonomie, vous avez 75 % de chances de gagner. Ce risque est une responsabilité collective. Il faut se donner une assurance-autonomie afin que la perte d’autonomie ne soit pas une catastrophe financière, que les aînés puissent choisir l’endroit où ils veulent vivre indépendamment de leur perte d’autonomie et qu’ils puissent reprendre un contrôle sur leur vie par le biais d’une allocation qui leur permettra de choisir le type de service à recevoir et le prestataire qui les donnera : résidence privée d’hébergement, entreprise d’économie sociale, etc. L’assurance-autonomie va donner un choix aux gens et, ça s’est avéré dans les autres pays, quand on donne un choix aux gens, ils choisissent de rester chez eux. En termes d’innovation sociale, l’assurance-autonomie est un projet majeur, comparable à l’assurance-santé dans les années 1970.

« Des assurances de ce type-là ont été implantées dans une dizaine de pays européens et au Japon. Cette mesure améliore les soins à domicile mais elle permettra aussi de diminuer le fardeau financier en 2050. L’OCDE [ Organisation de coopération et de développement économique ] a montré que les pays qui gardent la même structure de soins vont à peu près tripler la proportion du produit intérieur brut consacrée aux soins à long terme. Si l’on s’en va avec les soins à domicile, on va juste doubler, ce qui représente une économie de 3 milliards de dollars, en dollars de 2012, que n’auront pas à payer nos enfants et nos petits-enfants pour notre perte d’autonomie.

« Avec 17 % du budget des soins à long terme à domicile au Québec, nous sommes les champions mondiaux dans le peu d’investissements en soins à domicile. Le Danemark y investit 73 %, les Pays-Bas sont à 34 %, la France à 43-44 %. On peut rejoindre la France assez rapidement, en quelques années, avec les 500 millions de dollars que l’on a annoncés dans les soins à domicile, soit deux fois ce qu’on a actuellement. »

Virage : Quel type d’échéancier est prévu pour implanter l’assurance-autonomie ?

R.H. : « En 2013, il y aura dépôt du projet de loi, consultation en commission parlementaire et adoption de la loi sur l’assurance-autonomie. En 2014, ce sera l’année d’implantation. »

Virage : Qu’en est-il des places en CHSLD ?

R.H. : « La priorité n’est pas de créer des places en CHSLD, bien qu’il y ait des régions qui en aient encore besoin. Pour moi, la priorité est de donner des services là où habitent les gens. Les gens ont peur qu’on ferme des lits de soins de longue durée pour investir dans les soins à domicile. Ce n’est pas ce que nous allons faire. On va investir dans les soins à domicile, ça va diminuer la pression sur les CHSLD et on va avoir tous les lits nécessaires pour faire face au vieillissement de la population. »

Virage : Le gouvernement Marois adoptera-t-il une politique sur le vieillissement ?

R.H. : « Il y en a déjà une politique, c’est Vieillir et vivre ensemble, que j’ai critiquée parce que pour moi c’est plus un catalogue d’actions gouvernementales qu’une politique avec des objectifs, une vision, une intégration des mesures. Je ne mettrai pas la politique Vieillir et vivre ensemble à la poubelle. On va construire avec ce qui est là, mais avec un souci d’intégrer. On va partir de cette politique pour vraiment avoir des politiques : une sur le soutien à domicile, une autre sur la maltraitance et une troisième pour tout ce qui touche l’implication sociale des aînés. Cette dernière va graviter autour du programme Municipalité amie des aînés, dont nous voulons faire un programme fort doté d’un budget substantiel. Ce programme va donner un levier à chacune des
municipalités pour permettre de mieux intégrer les personnes âgées aux décisions importantes qui les concernent. »

Virage : Avez-vous l’intention de faire du Réseau FADOQ un interlocuteur privilégié ?

R.H. : « Le Réseau FADOQ est un partenaire important. Il y en a d’autres. Ces organismes-là, dans leurs champs de compétences, vont être des partenaires importants. On continuera à travailler avec le Réseau FADOQ sur des projets comme Aîné-Avisé et le Programme Qualité Logi-être. »

Réjean Hébert : la chronologie

1955 : naît à Québec

1975 : débute des études en médecine, à Sherbrooke

1988 : est l’un des premiers médecins gériatres au Québec et fonde le Centre de recherche sur le vieillissement de l’Institut universitaire de gériatrie de Sherbrooke

1996 : fonde le Réseau québécois de recherche sur le vieillissement

1997, 2002 et 2010 : reçoit le Mérite estrien

2004 à 2010 : est doyen de la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université de Sherbrooke

2006 : reçoit le Prix Dufresne-Quintin remis à une personne ayant contribué au mieux-être des personnes aînées au Québec

2007 : copréside la Consultation publique sur les conditions de vie des personnes âgées

2008 : est défait comme candidat péquiste dans la circonscription de Saint-François

2012 : est élu député de Saint-François le 4 septembre ; devient ministre de la Santé et des Services sociaux et ministre des Aînés le 19 septembre