On a beau dire que la cinquantaine d’aujourd’hui est la nouvelle quarantaine tant notre état de santé surpasse celui des générations précédentes, on ne pose pas le pied dans cette décennie de gaieté de cœur. Temps des récoltes, passage à vide, urgence de vivre, nouvelle liberté à inventer, on entend de tout quand on réunit de « jeunes » recrues chez les 50+, dont moi-même !
Ça se passait un soir d’août au temps doux, chez nous. Par groupe, les filles et les gars m’ont tour à tour confié leurs impressions sur leur plus grand « coup de vieux » à ce jour : l’entrée dans la jeunesse de la vieillesse… et l’atteinte de l’âge d’adhésion au Réseau FADOQ !
Les filles
Le mot-qu’on-ne-doit-pas-prononcer : M…
La ménopause est un incontournable quand une poignée de girls de 50 ans jasent. Pour l’une d’elles, les symptômes de la préménopause sont même arrivés presque jour pour jour après son 50e anniversaire : bouffées de chaleur, cycle menstruel en déroute et autres cadeaux empoisonnés. « Le choc de la cinquantaine est encore plus dur quand on a l’impression qu’on ne comprend plus notre corps », laisse tomber Sophie.
Et il y a ces formes qui changent, souvent modelées par quelques kilos. « Pour moi, ça a agi comme un signal à ne pas me laisser aller. J’ai perdu ce poids en trop et je me sens bien », lance Carolyn, alors que d’autres mettent l’accent sur l’achat de vêtements dans lesquels elles se sentent bien… et tant pis s’ils sont une taille de plus qu’avant.
Quant à Anne-Marie, elle a constaté qu’elle avait trop accordé d’importance jusqu’à présent à son « enveloppe terrestre à la flétrissure imminente », attitude qu’elle a la ferme intention de changer, notamment en faisant de l’exercice pour les bonnes raisons.
S comme dans « santé »
Sportive qui se découvre, Lucie se sent très bien dans son corps et plus en santé que jamais. Par contre, celles dont le corps commence à montrer des signes de fatigue consentent à regret, et en faisant preuve de sagesse, à skier, courir et rouler avec plus de modération. « Le body ne suit plus autant qu’avant, c’est sûr. Mais ça fait place à d’autres types de projets, et j’en ai plein », dit Marie-Pier.
Moi en premier
Toutes des mères d’enfants de 13 à 23 ans, elles ont le même discours à propos de cette propension à faire « enfin » d’elles-mêmes leur priorité au jour le jour, à « oser se placer en premier et à faire des choses pour soi », confie Marie-Pier. « Notre voix intérieure se fait entendre sans le brouhaha des obligations familiales », ajoute Lucie.
« On ressent une certaine urgence de vivre. On remet moins à plus tard les choses qu’on veut vraiment faire dans notre vie », poursuit Carolyn qui, à l’instar de plusieurs amies, a marqué sa cinquantaine par un grand voyage auquel elle rêvait depuis des années.
« Pour moi, dit Lucie, arriver à 50 ans est comme parvenir à une clairière. On n’est plus dans l’action autant car les enfants ont grandi. Le chemin n’est pas tracé pour la suite et je ne sais pas vraiment quoi faire de toute cette liberté. »
Pour Anne-Marie, l’entrée dans l’automne de la vie est le temps de savourer les récoltes et de semer pour la suite, en mettant à profit une sagesse toute neuve. « Je veux dorénavant me concentrer sur l’essentiel : aimer moins, aimer mieux ; bouger moins, bouger mieux ; dépenser moins, dépenser mieux ; manger moins, manger mieux ; travailler moins, travailler mieux ; rêver moins, rêver mieux. »
Les gars
La saison du vrai
Le ton n’est pas moins philosophique quand les hommes succèdent aux femmes sur les fauteuils de jardin de cette entrevue-discussion. Cette quête du vrai, ce besoin d’aller à l’essentiel, sont tout aussi présents.
« À 50 ans, je ne veux plus faire semblant, je ne veux plus me soucier de mon image, de mon titre. Je veux être moi-même », résume Paul. Ce lui-même, il l’a redécouvert à l’issue d’un véritable passage à vide suivi d’un virage très profitable négocié à vitesse grand V : perte de 40 kilos et remise en forme échelonnée sur un an, de la marche au demi-marathon !
« Miroir, dis-moi que j’ai encore 16 ans »
Plusieurs de ses copains ne réalisent pas encore tout à fait leur arrivée dans la cinquantaine. « Je me vois encore comme un jeune de 16 ans », lance Denis F., avec l’accord de Denis R., qui est fier de passer pour dix ans plus jeune mais conjugue difficilement avec la perte de ses capacités sportives.
Alain, lui, affirme que l’âge n’est qu’un chiffre et se valorise en constatant qu’il arrive toujours à faire les choses qu’il désire, même si ses limites le forcent parfois à les faire différemment.
Père un jour…
Alors que leurs conjointes acceptent volontiers de faire passer la mère en elles au second plan, certains peinent à lâcher prise face à leur rôle de père protecteur. « Je fais beaucoup d’anxiété par rapport à mon fils. Je voudrais qu’il trouve un bon travail, comme si le fait qu’il soit casé me prouverait que j’ai fait une bonne job », dit Luc. Denis R. partage cet état d’esprit, lui qui cherche en vain une garantie que ses trois filles trouveront leur voie et seront heureuses plus tard.
Liberté 50… eux aussi !
Ils réclament également plus de temps pour eux, sans la culpabilité qui les tiraillait auparavant. « Je vais à la chasse une semaine par année. C’est nécessaire à mon équilibre », affirme Denis F.
« Je ressens une certaine désillusion face aux humains et une honte face à la planète qu’on laisse à nos enfants. Je suis de plus en plus sauvage. J’ai besoin de me retrouver avec moi-même, si possible dans la nature », avoue Paul.
Cette liberté qu’elles et eux chérissent, se décline-t-elle au « nous » ? Aucun doute là-dessus. Mais ça implique de cultiver le compromis, le respect et l’acceptation, des arts apparentés à la sagesse, que nous maîtrisons de mieux en mieux avec l’âge !