Sous la loupe : l’espérance de vie en bonne santé

L’équation est simple : notre espérance de vie augmente, mais notre espérance de vie en bonne santé, elle, stagne. Résultat : un plus grand nombre d’années avec incapacités se profilent à l’horizon de notre dernière tranche de vie. Scénario inéluctable ? Non… pourvu qu’on reprenne notre santé en main !

L’état des lieux

D’abord, qu’est-ce que l’espérance de vie en bonne santé ? « C’est l’espérance de vie sans invalidité majeure faisant en sorte qu’on ait besoin d’aide pour faire ses activités », résume Dr David Lussier, gériatre et directeur d’AvantÂge, le Centre de promotion de la santé des personnes âgées de l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal.

En 2007, l’espérance de vie en bonne santé au Québec se situait à 68,9 ans chez les hommes et à 71,2 ans chez les femmes. Depuis quelques décennies, cet indicateur croît beaucoup plus lentement que notre espérance de vie, qui elle se situait en 2014 à 80,2 ans chez les hommes et à 84,1 ans chez les femmes, en hausse de près de dix ans depuis 40 ans. Cet écart, de plus en plus grand, se présente sous la forme d’une qualité de vie amoindrie par des incapacités pendant une durée moyenne d’environ sept ans.

Les causes

« Les gens meurent moins de maladies cardiaques qu’avant, mais les maladies chroniques elles, sont en augmentation, explique Dr Lussier. De plus, comme on n’est pas arrivé à prévenir des maladies comme l’arthrose et l’arthrite, le fait de vivre plus vieux qu’auparavant ajoute des années d’invalidité. »

Mais il y a plus : contrairement à ce qu’on pourrait croire à voir tant de sportifs grisonnants sur les pistes cyclables, sentiers de randonnée et pentes de ski, nous serions collectivement moins en forme qu’il y a 30 ans.

« De nos jours, il y a deux pôles : les aînés en super forme et les aînés sédentaires. Toutefois, dans l’ensemble, les adultes canadiens étaient moins en forme en 2010 qu’en 1981. C’est vrai notamment pour le sous-groupe des 60 à 69 ans et des 70 ans et plus. L’état cardiorespiratoire, l’endurance, la souplesse et la force musculaire sont en baisse. Nous sommes aussi plus gras, parce que nous bougeons moins et que nous mangeons moins bien qu’avant », indique Martin Brochu, professeur à l’Université de Sherbrooke et kinésiologue.

L’obésité, en hausse de 17,5 % chez les adultes canadiens depuis 2003, inquiète particulièrement M. Brochu, surtout en raison des conséquences néfastes pour la santé d’un tel surplus de poids pendant plusieurs années, voire décennies. « Il y a des conséquences directes sur la qualité de vie des aînés. Non seulement le risque de maladies chroniques telles que le diabète de type 2 et l’hypertension est-il accru, mais les gens sont plus susceptibles d’être touchés par l’incontinence, l’apnée du sommeil, la maladie d’Alzheimer et autres. Dans l’ensemble, les personnes obèses sont plus à risque d’être limitées dans leurs activités quotidiennes. »

Les solutions

La sédentarité et l’obésité sont donc au cœur de ce mauvais bulletin de santé. Or, les adultes sont mieux informés que jamais sur l’importance d’adopter de saines habitudes de vie. Même les médecins prescrivent maintenant des cubes énergie à leurs patients, grâce à un partenariat avec le Grand défi Pierre Lavoie.

« Entre l’intention et l’adoption, il y a un gros pas, remarque Martin Brochu. Maintenir ces habitudes de vie saines est un autre défi. Mais le jeu en vaut la chandelle. »

En effet, l’espérance de vie est plus qu’une statistique. C’est le scénario de fin de vie que chaque individu influence au fil de ses gestes, santé ou non.

Martin Brochu estime qu’il y aurait place pour des activités de sensibilisation et de financement grand public axées sur la qualité de vie des aînés. « Pourquoi pas un 24 heures de marche pour la santé des personnes âgées ? », lance le kinésiologue.

Il souhaiterait également que les aînés aient accès à plus de façons d’expérimenter des activités physiques, afin d’en trouver une qui leur convient et qu’ils vont pratiquer avec plaisir, ingrédient essentiel pour qu’ils demeurent actifs.

À l’action !

« Adopter de meilleures habitudes de vie, c’est faire plus d’exercice pour être en bonne forme musculaire et avoir une bonne santé cardiovasculaire. C’est aussi travailler sa mémoire, maintenir un bon réseau social, bien manger, ne pas fumer et consommer de l’alcool avec modération. Il n’est jamais trop tard et on n’est jamais trop vieux pour s’y mettre ! », affirme Dr David Lussier, directeur d’AvantÂge.

Il importe de commencer progressivement et selon ses capacités, au besoin en suivant les conseils d’une nutritionniste ou d’un kinésiologue. « Notre corps est comme une voiture avec une belle mécanique, compare Martin Brochu. Il est opportun de consulter un spécialiste pour régler tel ou tel ennui. Surtout quand la voiture date de 1950… »