Libérez-vous des télésièges !

La grande mode dans l’univers du ski alpin, c’est de bouder les remontées mécaniques et de grimper les montagnes skis aux pieds. Rien de mieux, disent les adeptes, que ce mélange de ski de fond et de ski alpin pour reconnecter avec la nature et se remettre en forme.

La sainte paix

Plusieurs fois par semaine, les skieurs Gilles Larose, Denis Bouvier et Raymond Julien grimpent les 460 m de dénivelé de la station de ski Mont Sutton par la seule force de leurs mollets! L’ascension leur prend une heure d’effort soutenu alors que le télésiège ferait le même travail en une quinzaine de minutes. Mais pour ces maniaques du ski d’ascension, rien ne vaut le plaisir de suer à grosses gouttes afin de conquérir une montagne en ski.

Dans les sous-bois, loin de la foule de skieurs, les randonneurs alpins trouvent « la sainte paix ». « Pas de musique, pas de personnes qui placotent. On n’entend que le crissement de nos spatules sur la neige, le craquement des arbres et le bruit de notre respiration. En prime, on n’attend jamais aux télésièges », rigole Denis Bouvier, qui ne fait absolument pas ses sept décennies.

Ces drôles de moineaux sont de plus en plus fréquents sur les versants des montagnes. La randonnée alpine, qu’on désigne aussi comme le ski de montagne, le freeski, le ski de haute route ou encore le ski touring, est la déclinaison du ski qui connaît la plus forte croissance à travers le monde. Ces skieurs pratiquent le ski à l’ancienne, époque où chaque descente était le fruit d’un long et pénible effort de remontée. « Résultat : on savoure chaque virage », affirme Gilles Larose, autre septuagénaire en super forme.

De la marginalité à l’engouement

Cette variante du ski alpin existe depuis longtemps dans les montagnes de l’Europe et de l’Ouest canadien. Au Québec, ce fut pendant longtemps un phénomène marginal, limité à la conquête de quelques sommets gaspésiens par des skieurs-aventuriers, qui grimpaient en raquettes.

Jusqu’à la fin des années 1990, le ski de montagne demeure l’apanage de quelques mordus et son territoire de pratique se limite à la péninsule gaspésienne. « L’arrivée sur le marché des fixations débrayables, qui permettent de débloquer le talon afin de faciliter la marche en montagne, a changé la donne », explique Maxime Bolduc, directeur ski à la Fédération québécoise de la montagne et de l’escalade (FQME), qui encadre cette activité hors des centres de ski. En y ajoutant des peaux d’adhérence sous les spatules, les fameuses peaux de phoque, les skieurs peuvent maintenant conquérir les montagnes en mode marche, puis redescendre en mode ski alpin.

Face à la montée en popularité de cette discipline, les stations de ski alpin du Québec ont décidé, après quelques réticences, de surfer sur la vague. Résultat : la plupart d’entre elles proposent aujourd’hui des corridors d’ascension et certaines font la location de cet équipement spécialisé – qui est plutôt dispendieux à l’achat – en plus d’offrir des billets de journée et des abonnements de saison à prix doux. Une fois là-haut, les skieurs reviennent à la base à travers le domaine skiable.

« C’est une façon de vivre cette expérience tout en profitant des commodités d’une station de ski, avec chalet, stationnement et pistes entretenues », dit Nadya Baron, directrice du marketing à la station de ski Mont Sutton.

Preuve de l’engouement : cette station a vendu pendant l’hiver 2018-2019 six fois plus de billets pour l’ascension que trois ans plus tôt et cinq fois plus d’abonnements de saison. En effet, beaucoup de randonneurs alpins sont « bi », comme nos amis de Sutton : ils pratiquent le ski de télésiège en matinée et font de la peau en après-midi, quand les conditions se dégradent et l’attente aux remontées mécaniques s’étire.

Pour le plaisir et la forme

En plus de l’esprit d’aventure et de l’accès à des champs de neige vierge dans les montagnes reculées, l’aspect remise en forme séduit une grande proportion de randonneurs alpins. « Monter une montagne en ski, c’est comme faire du gym en forêt. On s’entraîne en écoutant les oiseaux qui chantent et en humant le grand air », explique Gilles Larose.

Au-delà des stations de ski, la FQME propose 14 sites aménagés, répartis un peu partout au Québec, où l’on pratique ce sport de manière autonome. L’accès à ces pentes sauvages, qui se fraient un chemin à travers la forêt, est gratuit, mais les skieurs doivent être membres de la FQME pour profiter des assurances. « L’adhésion à la FQME, qui ne coûte que 34 $ par année, nous appuie dans nos démarches visant à ouvrir encore plus de sites de pratique », explique Maxime Bolduc, de la FQME. Êtes-vous prêt à suivre la vague et à vous libérer des télésièges ?

***encadré***

Où ?

Hors station

  • Mont-Carmel (Mauricie) : cette ancienne station de ski de faible hauteur propose six pistes de descente. Un cadre idéal pour l’initiation. À Notre-Dame-du-Mont-Carmel. biathlonmauricie.com, 819 694-7547.
  • Mont d’Urban (Cantons-de-l’Est) : cette montagne frontalière de 800 m d’altitude possède un excellent enneigement. Trois pistes y ont été défrichées. À Notre-Dame-des-Bois. skieldoradoestrie.com
  • Parc national de la Jacques-Cartier (Québec) : trois secteurs hors-piste invitent à la pratique de cette discipline. sepaq.com/pq/jac, 418 848-3169, poste 6.

Centres de ski

  • Mont Tremblant (Laurentides) : plusieurs parcours mènent au sommet de la station, dont la Vertigo, une ascension fortement inclinée de 5,6 km. tremblant.ca, 1 888 738-1777.
  • Massif de Charlevoix (Charlevoix) : 15 km de sentiers d’ascension desservent le secteur hors-piste et le domaine skiable. À Petite-Rivière-Saint-François. lemassif.com, 1 877 536-2774.
  • Mont-Édouard (Saguenay – Lac-Saint-Jean) : la station de L’Anse-Saint-Jean se démarque avec le développement d’un grand domaine hors-piste accessible en peaux de phoque. montedouard.com, 418 272-2927.
  • Mont Sutton (Cantons-de-l’Est) : il y a un circuit d’initiation et une piste d’ascension de 3,8 km menant tout en haut du domaine skiable de la station. montsutton.com, 1 866 538-2545.

Photo : Simon Diotte