Les frontières de Pascale Bussières

Pascale Bussières tient la vedette dans le nouveau film Frontières, de Guy Édoin. Elle campe un personnage ambigu, qui brouille les limites entre la réalité et l’au-delà, le tangible et l’intangible, la raison et la folie.

« Elle marche sur différentes frontières, telle une funambule, dévoile Pascale Bussières au sujet de son personnage, Diane Messier. On peut parler ici de choc post-traumatique. »

Le titre fait aussi écho à une frontière terrestre entre le Canada et les États-Unis, explique la comédienne lors d’une entrevue accordée à Virage.

« Des prisonniers ont pris la fuite. Une certaine paranoïa s’installe et ajoute à l’état extrêmement précaire de mon personnage. C’est aussi un film sur la filiation, la force sororale et familiale. Mère et filles sont soudées dans l’adversité. »

Une troisième collaboration

Ce thriller psychologique confirme l’histoire d’amour professionnelle entre Guy Édoin et Pascale Bussières.

« Lui et moi, nous avons un passé, confirme l’actrice. Nous bâtissons sur un terrain qui a déjà été foulé. Sur le plateau, nous n’avons pas besoin de nous parler beaucoup pour nous comprendre. Je pense que c’est un avantage. »

Fort de ses trois collaborations – Marécages, Ville-Marie et Frontières –, le duo peut tabler sur une grande complicité.

« Depuis Marécages, c’est un peu le même personnage qui est transposé d’une histoire à l’autre, comme un continuum, poursuit-elle. Sans verser dans la psychanalyse, c’est un peu la mère fictive de Guy. Je pense que j’incarne la mère dans son imaginaire. J’aime beaucoup la démarche de Guy, son univers singulier. Frontières a été tourné sur la terre familiale, comme Marécages. Je crois que c’est le 5e film qu’il tourne sur la terre qui l’a vu grandir. Il la connait par cœur. C’est un hommage à ce terreau, mais les histoires qu’il invente n’ont rien à voir avec la sienne. »

Une mère spirituelle

Pascale Bussières a fait ses débuts au cinéma à l’âge de 13 ans, dans le long métrage Sonatine, un film réalisé par Micheline Lanctôt.
« Je la retrouve dans Frontières puisqu’elle joue ma mère. Dans la vraie vie, elle est ma mère spirituelle. C’est elle qui m’a donné ma première chance et qui a fait en sorte que je devienne qui je suis aujourd’hui. Elle m’a mise au monde dans ce métier. La retrouver pour jouer avec elle, c’était très symbolique pour moi. Au cours de ma carrière, j’ai joué dans trois de ses films : Sonatine, mais aussi Deux actrices et Suzie. Nous nous sommes aussi croisées à quelques reprises dans le métier, notamment dans Belle-Baie, série dans laquelle elle tenait le rôle de ma mère. »

Forte de ses 40 ans de carrière, l’actrice choisit maintenant ses projets autrement.

« Je veux faire des choses qui résonnent, qui ont un sens, une profondeur, une intention qui me paraissent justes. C’est évident qu’il faut aussi gagner sa vie. On n’a pas toujours le choix, mais quand c’est possible, je favorise les projets qui ont un écho d’intelligence, de pertinence. J’aime aussi partir à l’aventure, m’engager dans des projets expérimentaux. Ma nature profonde en celle d’une d’exploratrice. J’aime me retrouver en terrain inconnu. »

En parallèle, elle a aussi des projets d’écriture sur lesquels elle travaille depuis un moment. « J’aimerais trouver le temps et l’énergie pour que ces projets prennent forme. C’est beaucoup de temps de gestation, de maturation. J’aime beaucoup mon travail d’actrice, mais le travail de création, en amont et en aval, m’intéresse aussi beaucoup. De l’écriture au montage, chaque étape est extraordinaire… mais c’est le parcours du combattant. Il faut avoir du souffle ! »

Un milieu en mouvance

L’interprète de Diane, qui a vu le métier se transformer depuis quatre décennies, constate une évolution notable au sein du milieu. « Ça fait 40 ans que je fais mon métier, rappelle-t-elle. À mes débuts, il y avait peu de femmes réalisatrices. Aux côtés d’une poignée de femmes au Québec, Micheline Lanctôt était l’exception. Aujourd’hui, il y a plusieurs femmes réalisatrices, autrices, monteuses, productrices. »

Elle remarque que la représentativité des femmes dans le milieu est plus grande que jamais et qu’-elles peuvent désormais travailler au-delà de 40 ans. « Lorsque j’ai débuté dans ce métier, les femmes qui atteignaient la quarantaine connaissaient un gros creux de carrière, ce qui est beaucoup moins le cas de nos jours. Depuis quelques années, beaucoup de rôles intéressants sont portés par des femmes. »

Pour décrocher et prendre du recul sur son métier, l’actrice se consacre à ses passions. « Je dessine, je peins, je fabrique des lampes. J’aime beaucoup la lumière, le textile. Je fais aussi de la musique avec mes amis. Je fais du sport. J’habite à la campagne. Je pratique des activités de plein air, je fais du ski de fond. Tout cela est nécessaire à mon équilibre mental, conclut-elle. »

Pascale Bussières, en vedette du nouveau film Frontières, est sur les écrans des salles de cinéma à travers le Québec.

Photo : Laurence Grandbois Bernard