Le destin, selon Louise Portal

Écrivaine, chanteuse, comédienne et conférencière, Louise Portal œuvre dans le milieu culturel québécois depuis plus de 50 ans. Elle signe le troisième d’une série de quatre textes exclusifs à Virage.

Parfois, je m’arrête d’écrire, ma plume se suspend. Je lève les yeux de mon cahier et médite sur le paysage. Pour absorber l’instant. Puis, je reviens à la page qui m’attend et appelle les mouvements de l’âme qui cherche à exprimer sa créativité.

Une amie m’a offert cette phrase un jour où je ressentais l’élan de faire une chose qui pouvait paraître insensée : acheter une maison en Gaspésie alors que nous étions déjà les propriétaires d’un superbe sanctuaire en Estrie! Ce lieu au bord de la mer a vu naître ma trilogie gaspésienne et nous a présenté deux jeunes femmes devenues en quelque sorte nos « filles d’adoption ». Julie et Marie-Ève, je vous aime. N’ayant pas eu le privilège d’être parents, ces rencontres sont venues déposer tendresse et joie dans nos cœurs.

Le grand mystère

Qui guide nos choix? Nos décisions? Qu’est-ce qui fait que l’on répond à un élan vital, incontournable, qui peut parfois changer le cours de notre vie? J’ai tendance à penser que le destin est à l’œuvre et joue la partition dont nous avons besoin pour l’avancée de notre existence. Car lui seul connaît l’avenir. À nous d’y répondre.

J’ai visionné, dernièrement, un documentaire qui nous présentait le parcours de différentes personnes qui avaient été prises en otage dans des conditions effroyables, pendant des mois, certains pendant des années, aux mains des talibans et autres factions terroristes ou de trafiquants. Tous ont témoigné que, malgré l’éprouvante réalité, cette aventure les avait transformés et ils en étaient ressortis élargis dans leur conscience, comme si l’épreuve les avait purifiés pour les restituer dans une meilleure version d’eux-mêmes. Fascinant!

Le destin leur a fait traverser l’épreuve du feu. Purificateur.

Pourtant, personne ne choisit la souffrance. Nous sommes tous en quête de bonheur, de paix et d’harmonie. Pourquoi ou comment le destin peut-il être si cruel? Injuste même? Voilà qui demeure un mystère.

Pour ma part, j’ai reconnu que si l’on ne comprend pas toujours par la sagesse, il faut parfois apprendre par la souffrance. Comme plusieurs d’entre nous, j’ai eu à toucher l’humilité par les chemins rocailleux de l’ego. Les évènements de nos vies inscrivent, dans nos parcours, tant de méandres, nous invitent ou nous obligent à mordre la poussière pour comprendre et abdiquer.

Le destin, comment le nommer? Un itinéraire de vie tracé d’avance où nous aurions notre libre arbitre? Celui de choisir et de le faire dévier? Possible.

Bien des philosophes, écrivains, penseurs, scientifiques, poètes et prophètes se sont penchés sur lui pour le saisir, l’analyser, le déjouer, lui faire un procès… le condamner. Le destin de l’humanité! Où a-t-il pris naissance? Quelle est sa mission et où nous mènera-t-il? Quel grand mystère!

L’aventure à deux

Mon destin, dès ma conception, a été lié à un autre, celui de ma sœur jumelle. Cette aventure à deux, qui a duré soixante ans, fut certainement l’une des plus significatives et des plus difficiles. Une expédition qui a exigé de demeurer dans l’amour et le pardon. J’ai évolué grâce à elle. J’ai appris le lâcher-prise, l’acceptation, la prière, la confiance après avoir côtoyé la colère, vécu du rejet, de l’inquiétude, une peine profonde. J’ai ressenti de l’abandon, de l’incompréhension et tant de questionnements.

Pourquoi? Quoi faire? Les réponses sont venues à le vivre.

Oui, c’est en traversant l’épreuve que l’on apprend, que l’on saisit son sens et le message dont elle était porteuse et qu’elle est venue nous enseigner. Trouver un sens fait évoluer. Subir en victime nous paralyse et nous enlise.

J’ai choisi de m’élever, de paver ma route des pierres que j’ai reçues. Et j’y ai trouvé… l’amour dans son sens le plus vaste et le plus noble.

C’est la grâce que je vous souhaite.