La maladie avec un grand A

Elle a volé la lucidité de mon adorable tante Céline, si chère à mon cœur. Elle a sans doute été aussi cruelle avec un ou plusieurs de vos proches, tant les cas de maladie d’Alzheimer sont tristement courants. À défaut de pouvoir la guérir, les chercheurs québécois tentent de détecter la maladie plus rapidement, car c’est ainsi qu’ils pourront trouver des causes et donc des remèdes pour la contrer. Ils souhaitent aussi identifier des modes de prévention qui pourraient procurer quelques précieuses années de santé cognitive de plus à ceux qui sont appelés à progresser vers la maladie. Incursion dans le fascinant univers de la recherche.

Tous pour un… remède

Des percées intéressantes défraient régulièrement la manchette, dont des outils de détection précis permettant de gagner jusqu’à quatre ans sur le diagnostic de la maladie. Cela nous porte à espérer la découverte imminente du remède qui permettrait de conjuguer un jour la maladie d’Alzheimer uniquement au passé. Mais la réalité est tout autre, cette maladie cachant encore trop bien ses secrets pour qu’on puisse en stopper la progression ou, mieux encore, la guérir.

L’ennemi est si coriace qu’il est important d’unir les cerveaux pour en venir à bout. C’est pourquoi plus de 90 chercheurs et cliniciens québécois sont dorénavant regroupés au sein du Consortium pour l’identification précoce de la maladie d’Alzheimer – Québec (CIMA-Q). Financé à hauteur de 2,5 M$ par le Fonds d’innovation Pfizer-FRQS, ce programme recrutera 350 personnes de plus de 60 ans qui seront suivies sur plusieurs années.

« J’ai bon espoir qu’on fait ce qu’il faut en mettant en commun nos efforts. On va y arriver », souhaite Dre Sylvie Belleville, codirectrice du CIMA-Q et directrice de la recherche à l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal (IUGM).

Des bénéfices pour les malades et la recherche

On pourrait juger mineures les percées permettant de gagner du temps sur l’évolution de cette maladie dont on souhaiterait l’éradication. Or, ces découvertes procurent des bénéfices autant pour les malades que la recherche.

« Pour la science, il est essentiel de comprendre ce qui se passe dans les premiers stades de la maladie, ce qu’une détection précoce permet puisqu’il s’écoule environ dix ans entre le début de la maladie et son diagnostic. On sait qu’il se produit beaucoup de changements dans le cerveau atteint. Pour trouver un éventuel remède, il faut trouver ce qui les cause afin d’agir avant qu’il y ait des pertes au cerveau », explique la neuropsychologue.

Pour les personnes atteintes, ainsi que leurs proches, ces quelques années rognées sur le diagnostic de cette terrible maladie revêtent une énorme importance. On pourra également mesurer si, donnés plus tôt, les traitements, avec ou sans médicaments, sont plus efficaces pour ralentir l’évolution de la maladie et retarder l’apparition des symptômes.

Puisqu’un diagnostic précoce est primordial, note Dre Belleville, il importe de consulter son médecin lorsqu’on croit que notre mémoire nous joue anormalement des tours. « On se plaint tous, par exemple, d’avoir de la difficulté à retenir les noms de personnes, d’avoir des mots sur le bout de la langue. Tout ceci est normal. Toutefois, lorsqu’on fait un effort pour se souvenir de quelque chose et qu’on l’oublie quand même, qu’on se perd en voiture dans un secteur pourtant familier ou que nos troubles de mémoire ont un impact sur notre quotidien, on a intérêt à prendre rendez-vous avec notre médecin. »

À la recherche de la mémoire perdue

Une visite privée m’a permis d’avoir un aperçu de ce qui est le pain quotidien des chercheurs de l’IUGM qui tentent de percer les mystères de la cognition lors de l’avancée en âge, l’un des nombreux programmes de recherche menés par ce centre spécialisé dans le vieillissement et la santé des aînés.

« On passe d’abord une imagerie par résonance magnétique (IRM) aux candidats qui participent au programme de recherche. Puis, pendant sept à huit semaines, on leur enseigne des techniques et des stratégies pour mieux mémoriser. On passe ensuite une autre IRM afin de voir si de nouveaux chemins ont été créés dans le cerveau pour trouver l’information », résume Émilie Lepage, coordonnatrice de recherche dans l’équipe de Sylvie Belleville.

L’un des outils, dont je fais d’ailleurs l’essai, est un logiciel utilisant la méthode des lieux, par laquelle on exerce notre mémoire en associant des listes, par exemple les aliments d’une liste d’épicerie, à des endroits précis dans notre domicile, question de mémoriser autrement.

J’ai même le privilège de faire un saut dans la réalité virtuelle, le temps du test de « La boutique virtuelle », un autre projet de recherche visant le diagnostic précoce des troubles de la mémoire et le développement de programmes de stimulation cognitive. Casque-lunettes sur la tête et mains gantées de manettes, le tout relié à un ordinateur par une longue queue, je me déplace dans une vraie pièce aux dimensions exactes de celles des images qui reproduisent l’intérieur d’un dépanneur, en quête des objets qui m’ont d’abord été montrés rapidement les uns à la suite des autres sur le comptoir de ce commerce virtuel.

Ma « mission » s’avère beaucoup moins simple qu’il n’y paraît, même pour quelqu’un en pleine possession de ses moyens. Un entraînement graduel m’aurait permis de mieux la réussir, du moins je l’espère !

L’IUGM recrute

Une équipe de l’IUGM dirigée par la Dre Sylvie Belleville est d’ailleurs à la recherche de personnes de 55 ans et plus de la région montréalaise qui se plaignent que leur mémoire est moins bonne qu’avant. Les candidats doivent être droitiers (les hémisphères droit et gauche du cerveau des gauchers diffèrent l’un de l’autre d’une autre façon que ceux des droitiers, ce qui a son importance lors de l’IRM), ne pas prendre de médicament pour l’humeur et être sans antécédent de maladie mentale, de trouble neurologique ni d’attaque cérébrale. Informations : Émilie Ouellet, 514-340-3540, poste 3043.

Un cerveau en forme

« 50 % des cas de maladie d’Alzheimer sont liés au style de vie », indique Dre Sylvie Belleville. Pour réduire le risque d’en être atteint et pour retarder le moment où la maladie va évoluer, on a donc tout avantage à adopter un style de vie favorable au cerveau. Voici quelques règles à suivre :

  • Stimulez votre cerveau : jouez à des jeux de chiffres et de lettres, apprenez à jouer d’un instrument de musique, suivez un cours, modifiez l’ordre de votre routine matinale, etc.
  • Faites de l’activité physique modérée régulièrement, afin de maintenir un poids santé et de vous tenir loin des maladies qui augmentent le risque d’être atteint de la maladie d’Alzheimer : diabète, hypertension, maladies du cœur, etc.
  • Cessez de fumer et consommez de l’alcool modérément.
  • Adoptez une alimentation saine et variée, en consommant davantage de fruits et légumes et en diminuant votre apport en gras.
  • Ayez une vie sociale active.

Faites partie de la solution !

Vous avez plus de 60 ans, avez l’impression que votre mémoire est moins bonne qu’avant et cela vous préoccupe. Contribuez à l’avancement de la recherche sur la maladie d’Alzheimer en faisant partie des 350 candidats qui seront suivis dans le cadre de l’étude du CIMA-Q.

Il s’agit de répondre à des questionnaires sur votre état de santé, de subir un examen médical annuel, un prélèvement sanguin ainsi qu’une évaluation de votre mémoire et de votre concentration, lesquels peuvent avoir lieu à Montréal, Québec ou Sherbrooke.

Pour participer, remplir le formulaire au cima-q.ca, puis le retourner au anne.morinville@criugm.qc.ca ou au Centre de recherche de l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal, att. : Anne Morinville, 4565, chemin Queen-Mary, Montréal (Québec), H3W 1W5. Informations : Anne Morinville, 514 340-3540, poste 3253.