Grâce à une longévité qui s’étire et à l’évolution des mentalités concernant le divorce et les conjoints ayant une grande différence d’âge, de plus en plus d’hommes deviennent ou redeviennent pères après 50 ans. Si bien que lorsqu’on leur demande pourquoi ils (re)plongent dans la paternité, les pères sur le tard répondent tout simplement : pourquoi pas !
Elle est bien réelle, cette tendance à devenir père à un âge auquel d’autres deviennent grands-pères. Des données de l’Institut de la statistique du Québec confirment qu’entre 1976 et 2016, la province a connu une hausse graduelle de 83 % de la proportion d’hommes de 50 à 54 ans parmi les nouveaux pères et de 57 % chez les hommes de 55 à 59 ans, pour un total de 1 070 papas de 50+ en 2016. Dans la soixantaine, les cas sont nettement plus rares et l’accroissement, moins significatif.
Selon Jean-François Bureau, professeur de psychologie à l’Université d’Ottawa, le fait que les gens aient moins d’enfants qu’avant et qu’ils puissent donc davantage choisir quand ils en auront compte aussi parmi les facteurs expliquant la présence accrue de nouveaux papas aux tempes grises. « De plus, les statistiques démontrent qu’il est beaucoup plus facile pour un homme avec enfants que pour son ex-conjointe de refaire sa vie après une séparation ou un divorce », ajoute M. Bureau.
Avantageux pour les enfants…
Le professeur de psychologie ne voit pas du tout d’un mauvais œil ce phénomène de société. Du côté des désavantages pour l’enfant, le principal selon lui est le manque d’énergie des papas plus âgés, durant les premières années très exigeantes ou encore quand le bébé sera devenu adolescent et que le papa aura 65 ou 70 ans. Et si l’enfant devra parfois expliquer que l’homme qui vient le chercher à l’école est son papa et non son papi, il n’y voit là rien de traumatisant.
La liste des avantages est nettement plus longue. « Un papa cinquantenaire est beaucoup plus calme, plus patient, plus disponible, plus compétent aussi, s’il a déjà eu des enfants auparavant. Aussi, si les hommes ont en général plus de difficulté à s’investir dans la relation avec leur enfant, c’est moins le cas des pères plus vieux qui sont davantage prêts à faire les sacrifices nécessaires. Souvent, ils ont constaté les conséquences de leur manque d’engagement par le passé et l’enfant devient central dans leur vie », analyse M. Bureau.
… et pour les pères
Pour ces « jeunes-vieux » papas, les avantages sont multiples et se résument à l’amour fou qu’ils ressentent envers cet inattendu cadeau de la vie. Dans la colonne des inconvénients, on retrouve la possible absence de soutien et de conseils de leurs propres parents, l’exigeante accumulation des rôles (parent d’un jeune enfant, travailleur et proche aidant de ses parents) et d’autres défis de toutes sortes qu’on n’avait peut-être pas vu venir.
L’exemple d’Alain, 55 ans, est éloquent à cet égard. Il avait 49 ans lorsqu’il est devenu père pour la première fois et 51 ans lorsqu’il a eu un second enfant. Lui qui avait toujours voulu avoir des enfants, n’avait pas envisagé que sa relation avec sa conjointe de 13 ans sa cadette se terminerait par une séparation alors que leurs enfants n’allaient même pas encore à l’école. Ni qu’il en aurait dès lors la garde quasi complète.
Aujourd’hui, il doit donc assumer à lui seul le transport de son fils à la garderie et de sa fille à la maternelle, les lunchs, la discipline et autres tâches parentales, sans répit, tout ça en plus de son emploi d’éducateur spécialisé. Des regrets ? « Être père monoparental à mon âge comporte des défis et ça me demande de me mobiliser entièrement. Malgré cela, mes deux enfants sont de loin les plus belles choses qui me soient arrivées. Je les aime passionnément et j’ai du fun au boutte avec eux », dit Alain.
Papa pour les bonnes raisons
Par ailleurs, est-ce que la paternité tardive pour plaire à sa nouvelle conjointe plus jeune peut s’avérer un piège ? « Comme psychologue, combien de fois j’ai entendu de jeunes hommes avouer qu’ils faisaient des enfants sous la menace de leur conjointe ou pour sauver leur couple. Des raisons inappropriées d’avoir des enfants, autres que le désir profond de vivre cette expérience-là, il y en a à tous les âges et par l’un ou l’autre des conjoints », met en perspective Jean-François Bureau.
Il conclut ainsi : « Même si un cinquantenaire n’envisageait pas ou plus d’avoir des enfants et que sa nouvelle réalité amoureuse et familiale l’amène là, il peut néanmoins assumer ce choix-là à 100 % et en faire quelque chose de beau et d’agréable. »
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Les idoles d’Antoine : ses grands frères !
Michel Marcoux a vécu pendant 25 ans avec son épouse avant de se séparer, alors que leurs enfants étaient déjà adultes. Rien de très original là-dedans. La suite est par ailleurs étonnante. Pas tant parce qu’il est ensuite tombé amoureux d’une femme beaucoup plus jeune que lui, ni même parce qu’ensemble ils ont eu Antoine, mais surtout en raison de la chimie incroyable entre ce petit homme et ses deux grands frères de 29 et 27 ans.
« Ce lien dépasse tout ce que j’aurais pu imaginer. Pour Frédéric et Michel-Olivier, Antoine n’est pas leur demi-frère, c’est leur frère. Ils veulent l’initier à leurs passions : le ski, le tennis, la plongée. Et ses grands frères sont les idoles d’Antoine, bien plus que ses parents ! », explique en riant le papa de Sutton.
Il avait 52 ans et Annie, 37, lorsqu’ils ont eu Antoine, qui a aujourd’hui quatre ans et demi. « J’ai pesé le pour et le contre. Mais comme j’adorais être père, je me voyais mal convaincre mon amoureuse que la maternité n’en valait pas la peine. »
Beaucoup plus disponible qu’auparavant, surtout depuis qu’il est devenu gentleman farmer, Michel peut toujours prendre le relais lorsque maman est retenue par ses obligations professionnelles. Autre plus : son expérience de père rassure sa conjointe.
En bonne santé et génétiquement avantagé – sa grand-mère est morte à 102 ans ! – Michel confie que le contexte idéal dans lequel baigne sa famille lui apporte la tranquillité d’esprit. « S’il nous arrive quelque chose, les grands frères vont s’occuper d’Antoine. »
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Double coup de foudre
L’histoire de Mario Daigneault n’est pas banale. Jadis, il avait été marié et n’avait pas eu d’enfant. À la fin de la quarantaine, il avait fait une croix sur la possibilité de se remarier et encore plus sur celle de devenir père. Eh bien les deux lui sont arrivés, sous la forme de deux coups de foudre : d’abord pour Janina, une ex-religieuse polonaise rencontrée en France, puis pour Marie-Sarah, qu’ils ont eu ensemble.
Éclairagiste de scène, Mario participait à une tournée de Stéphane Rousseau en France, en décembre 2005, lorsqu’il a rencontré celle qui allait devenir son épouse. Ensuite, ils se sont parlés au téléphone tous les soirs pendant un an, se sont revus, puis mariés, civilement en France et à l’église au Québec, en 2007.
Au départ, sa dulcinée ne voulait pas avoir d’enfant. Puis, elle s’est laissé convaincre et est tombée enceinte rapidement. Ainsi est née Marie-Sarah, en 2008. Mario avait 49 ans et Janina, 41.
C’était un bébé facile qui a fait ses nuits à un mois. Au jour le jour, je me charge des devoirs car c’est plus difficile pour Janina, qui est polonaise. J’arrive à gérer le tout malgré mon horaire atypique. »
Mario garde la forme et a une bonne alimentation. « Je fais tout pour être aux côtés de ma fille le plus longtemps possible. Mon but est de la faire danser le jour de son mariage », dit tendrement le résident de Saint-Félix-de-Valois.
Il songe à écrire un livre sur son histoire. « Je veux dire aux gens de ne pas abandonner leurs rêves. On ne sait jamais. »
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Cinq enfants, de 3 à 33 ans !
Huit ans après s’être séparé de la femme avec qui il avait vécu pendant 21 ans et eu quatre enfants, Mario Dubé s’est mis à souhaiter ardemment un changement dans sa vie professionnelle, surchargée. Deux mois après, c’était fait avec, en prime, une nouvelle vie amoureuse, puis familiale !
« Tanya et moi avons 24 ans et 10 mois de différence. J’ai vite compris qu’à son âge, elle voudrait avoir un enfant. Élyane est née cinq ans plus tard. » Devenu grand-père pour la première fois en septembre dernier, l’homme de Gaspé ne dit pas non à la possibilité de faire un frère ou une sœur à Élyane, qui a presque trois ans.
« J’ai ralenti côté travail. Je suis donc en mesure de consacrer plus de temps à Élyane, en comparaison avec mes autres enfants. Lorsqu’elle sera adolescente, j’aurai 70 ans, je serai à la retraite et nous pourrons faire de longs voyages en famille. »
Et à ceux qui voient une forme de déni de vieillir dans sa décision d’avoir un enfant à 52 ans, il rétorque qu’il faut être « vieux dans la tête » pour penser comme ça. Alors que lui est un jeune papa aux cheveux blancs.
Sur la photo : Janina Gasienica-Samek, Marie-Sarah et Mario Daigneault.
Photo : Denis Trudeau