Éviter le gaspillage ? Alimentaire, mon cher

Si on pouvait améliorer notre propre santé, celle de la planète et celle de notre portefeuille tout à la fois, ce serait génial, non ? C’est pourtant mission possible, et trois fois par jour plutôt qu’une. Il suffit de s’attaquer au gaspillage alimentaire, qualifié de « crime contre la planète » par le scientifique environnementaliste David Suzuki.

Quelques chiffres suffisent à brosser un tableau pas du tout appétissant. Au Canada, jusqu’à 40 % de la nourriture produite est jetée, ce qui nous classe parmi les plus grands gaspilleurs de la planète.

À l’échelle mondiale, cela représente 1,3 milliard de tonnes de nourriture perdue chaque année, avec à la clé un gaspillage éhonté de ressources dont l’eau, l’énergie et les terres, sans compter l’impact environnemental de l’enfouissement. C’est à un point tel que si le gaspillage alimentaire était un pays, il serait le troisième producteur de gaz à effet de serre dans le monde.

Mea maxima culpa

Qui montrer du doigt pour ce gâchis ? Nous-mêmes, les consommateurs, puisque 51 % du gaspillage alimentaire a lieu dans nos cuisines. Résultat : chaque Canadien jette en moyenne 700 $ d’aliments par année, rien de moins ! En poids et en volume, cela représente une livre de nourriture jetée par jour par personne, où l’équivalent de 820 pommes, 80 steaks et 30 litres de lait par famille, annuellement. De quoi remplir plusieurs paniers d’épicerie…

Si la situation perdure, c’est entre autre parce qu’on sous-estime nettement notre gaspillage réel, qui représente jusqu’au quart de ce qu’on ramène à la maison. Pourtant, pensons-y : un bout de pain rassis, un restant à la fraîcheur douteuse, un plat brûlé par la congélation, des pommes ridées, un contenant de yogourt « passé date », des céréales « momolles », une bouteille de vinaigrette oubliée dans le fond du frigo, des bananes noircies, ça finit par s’accumuler… dans la poubelle.

« Si on désire faire des choix alimentaires ayant un impact réel sur l’environnement, il y a deux façons très simples : diminuer notre consommation de viande et moins gaspiller d’aliments », indique Bernard Lavallée, nutritionniste et auteur de Sauver la planète une bouchée à la fois.

Planifier, conserver et cuisiner

« Comme le titre du livre le laisse entendre, dans un cas comme dans l’autre, il ne faut pas tout changer du jour au lendemain mais y aller graduellement, une nouvelle habitude à la fois », suggère le conférencier et chroniqueur.

Pour ce qui est de manger moins de viande, cela veut dire notamment apprivoiser les légumineuses et donner préséance à d’autres sources de protéines. Mais comment vient-on à bout du gaspillage alimentaire ? Il existe des centaines d’astuces, qu’on peut regrouper derrière trois verbes :

  • Mieux planifier les repas : « En investissant quelques heures, la fin de semaine, pour planifier et préparer les repas, on épargne du temps le reste de la semaine et on gaspille moins d’aliments », fait valoir M. Lavallée, auteur du blogue Le nutritionniste urbain.

En effet, sans une bonne planification des repas de la semaine, on a tendance à acheter trop d’aliments et en trop grandes quantités. Faire l’épicerie plusieurs fois par semaine plutôt qu’une seule est également une bonne façon de mieux gérer l’inventaire du frigo. Et il faut résister à la tentation d’acheter de grandes quantités d’un aliment pour épargner plus puisque le gaspillage annule l’économie. Morale : mieux vaut privilégier les petits contenants et le juste-ce-qu’il-faut.

  • Conserver de façon futée : Le frigo et le congélo sont deux alliés de taille pour qui veut gaspiller au minimum. Dans le frigo, on prend soin de placer les aliments les plus fragiles dans les zones les plus froides. Par exemple, il ne faut pas mettre les œufs dans la porte, où la température est la plus élevée. Aussi, placer les viandes, poissons et volailles crus dans le tiroir évitera que leurs jus ne contaminent les autres aliments. On peut placer au frigo nos précieuses et dispendieuses bouteilles d’huile, pour éviter le rancissement causé par une exposition à la chaleur et à la lumière.

Quant au congélateur, il allonge la durée de vie des aliments et s’avère pratique pour conserver par exemple des portions d’un plat cuisiné. Dès votre retour de la boulangerie, mettez-y tous vos types de pain, une fois bien emballés, pour en finir avec le pain sec. Par ailleurs, hachés au robot culinaire, puis mélangés à de l’huile ou de l’eau, les surplus de fines herbes peuvent être congelés dans des moules à glaçons puis placés dans un sac refermable au congélateur, pour usage ultérieur.

Autre chose : il ne faut pas prendre les dates de péremption comme des arrêts de mort. Si le produit a été conservé à la bonne température et si l’emballage n’est pas ouvert, il peut souvent être consommé sans danger bien après la date de péremption, mettant à mal une autre déclinaison du gaspillage alimentaire. Le thermoguide (mapaq.gouv.qc.ca/fr/publications/thermoguide.pdf) contient les durées d’entreposage des aliments au frigo et au congélateur. À afficher dans la cuisine !

  • Cuisiner les aliments fatigués : Un peu de créativité permet souvent d’éviter à un aliment fatigué un aller simple vers la poubelle. C’est ainsi que des fruits flétris deviendront croustade ou compote, que des légumes mous seront transformés en potage ou que du pain pita aura une nouvelle vie à titre de craquelins aux herbes.

De même, on s’approche du gaspillage zéro en cuisinant toutes les parties des aliments pour faire par exemple des bouillons de poulet ou de légumes maison, des graines de citrouille rôties et épicées, etc.

On se rend compte à l’usage que moins gaspiller rime souvent avec mieux manger. En prime, on dorlote la planète et il nous reste plus d’argent en poche pour profiter des autres plaisirs de la vie !