Des arguments de poids contre la grossophobie

Minceur = Santé = Beauté. Vrai ? Faux ! L’heure est venue de s’attaquer à cette pseudo-égalité. L’objectif : briser les chaînes portant entrave à notre bonheur et, du coup, combattre la grossophobie.

« Cette équation provient du culte de la minceur, qui s’est développé alors que les baby-boomers grandissaient, et de la culture des diètes qui en a découlé. Chez toute cette génération d’hommes et de femmes, l’obsession de la minceur et la grossophobie ont été inculquées très jeunes », explique Edith Bernier, autrice de Grosse, et puis ? (Éditions du Trécarré, 2020), conférencière et consultante en prévention de la grossophobie.

Mais qu’est-ce au juste que la grossophobie ? C’est une aversion envers les personnes grosses, qui prend racine dans des préjugés nocifs, au point où même le mot « gros » devient tabou. Lutter contre la grossophobie, c’est faire la promotion du respect et de la tolérance envers la différence corporelle, de manière à favoriser l’acceptation par les autres et l’acceptation de soi.

Des préjugés bien ancrés

« Plusieurs facteurs qui influencent le poids, dont la génétique, sont incontrôlables. Blâmer les personnes pour leur grosseur est donc injuste et inexact, car ce n’est pas leur choix. Au même titre qu’il y a des personnes naturellement minces, il y a des personnes grosses naturellement. Pourquoi l’accepte-t-on chez les uns et le juge-t-on chez les autres ? », s’interroge Mme Bernier.

Des préjugés tenaces, à l’effet que les personnes grosses seraient lâches, paresseuses, gourmandes et manqueraient de volonté, entretiennent la grossophobie. De plus, le culte de la minceur a pour conséquence que les personnes grosses peinent à aimer leur apparence et à se trouver désirables, alors que les critères de beauté sont propres à chacun.

Quant à l’association entre minceur et santé, elle est erronée puisqu’il y a des personnes  minces en mauvaise santé et des personnes grosses en bonne santé. Pourtant, il n’y a qu’aux personnes grosses qu’on impose un devoir de santé.

À bas les diètes !

« Il est démontré que le phénomène yo-yo causé par les diètes à répétition use le métabolisme et rend les gens malades. La vérité, c’est que l’industrie de la diète est une machine à scraper le monde. Le taux d’échec des diètes est de 95 % sur cinq ans. Or, on blâme encore le client, pas le produit. C’est une source de déception, d’humiliation, de troubles physiques et psychologiques, sans compter le temps et l’énergie perdus », fait valoir l’autrice.

Le gras abdominal est particulièrement démonisé et mal vu. Pas étonnant que les femmes craignent comme la peste, puis honnissent, les kilos supplémentaires dus à la ménopause. Pourtant, c’est un processus biologique normal.

De façon générale, on gagnerait tous à se libérer de cette pression inutile et combien néfaste, en s’acceptant tel qu’on est.

Grossophobe, moi ?

La grossophobie fait donc des ravages, et ce, autant auprès des personnes grosses que des personnes qui craignent de le devenir. Pour briser cette vague, la première étape – un brin douloureuse – est de faire son propre examen de conscience. Cet exercice, à répéter périodiquement, révèle que nous sommes tous au moins un peu grossophobes.

« On peut donner l’exemple en tournant le dos aux régimes, en parlant de son corps avec bienveillance, en faisant preuve d’ouverture envers la diversité corporelle, en évitant les commentaires désobligeants envers les personnes grosses, en ne restant pas silencieux devant de tels propos et en refusant de rire de l’humour oppressif », énumère Edith Bernier.

Se renseigner auprès de sources fiables est aussi une clé pour détruire les « fausses vérités » entourant le poids.

Par ailleurs, on en viendrait à moins juger les corps gros si les médias et l’industrie de la mode nous en présentaient davantage. Si les campagnes de santé publique étaient axées sur l’adoption de bonnes habitudes de vie et non sur la lutte à l’obésité. Et si la discrimination basée sur la taille et/ou le poids était ajoutée aux textes législatifs, tout comme l’homophobie et l’âgisme, par exemple.

Devant une aussi grosse tâche à accomplir, autant s’y mettre tout de suite…

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Du yo-yo à la sérénité

« Il n’est jamais trop tard pour se libérer de n’importe quelle entrave à notre bonheur », lance Diane Lesage. Longtemps, la roche dans son soulier a été l’obsession de la minceur. Mais plus maintenant.

De l’adolescence à la fin de la vingtaine, elle a tenté en vain de faire une Twiggy d’elle-même. Quinze années de régimes hypocaloriques suivis d’excès alimentaires et d’un gain de poids dépassant ce qu’elle avait perdu.

Peu à peu, elle en est venue à accepter de faire partie d’une lignée de femmes de poids élevé. Et, pour le plus grand bien de sa santé physique et psychologique, elle s’est délestée des idées reçues faisant de la minceur un préalable au bonheur.

Depuis longtemps, Mme Lesage accorde plus d’importance à la stabilité de son poids qu’au chiffre inscrit sur le pèse-personne. À 70 ans, elle profite pleinement d’une vie sans excès, sans diète, sans obsession et, surtout, sans culpabilité.

« Beaucoup de femmes de 50 ans et plus ont eu toute leur vie une relation tordue avec leur poids. À cet égard, nous avons beaucoup à apprendre des jeunes, qui font preuve d’une grande ouverture envers toutes les sortes de diversité », remarque celle qui vient de publier Vivre amplement (Éditions Crescendo, 2020).