Comment dire adieu : comprendre le deuil animalier

Plus de la moitié de la population québécoise sera confrontée, à un moment ou à un autre, à l’épreuve liée au décès de son animal de compagnie. Dans une nouvelle série documentaire intitulée La vie après toi : traverser un deuil animalier, la comédienne Guylaine Tremblay aborde ce sujet sensible, parfois même tabou, avec des personnalités connues qui appréhendent ce passage difficile ou qui l’ont déjà vécu, ainsi qu’avec certains spécialistes de la question.

Le deuil animalier, c’est l’expérience de tristesse, de perte et d’adaptation émotionnelle qu’une personne subit à la suite de la mort – ou de la disparition – d’un animal qui partage son quotidien. Moins reconnu socialement que le deuil humain et souvent minimisé par l’entourage, il demeure cependant bien réel. Après tout, les liens qui unissent un humain à son compagnon poilu ou à plumes peuvent être très profonds.

Comprendre l’expérience vécue

Interrogée dans chacun des quatre épisodes, la Dre Annique Lavergne, psychologue, s’est intéressée au deuil animalier durant ses études universitaires. « Je souhaitais comprendre ce qui faisait que le deuil était plus grand pour certaines personnes et moins pour d’autres. Mes études ont démontré que plus l’attachement est fort, plus le deuil sera intense. D’autres variables, comme la mort accidentelle versus la perte anticipée, ont aussi une influence », relate-t-elle dans la série présentée sur l’Extra d’ICI Tou.tv.

La raison pour laquelle une personne adopte un animal peut également entrer en ligne de compte. « Il faut toujours se demander pourquoi on se procure ce compagnon, souligne la psychologue. Les animaux comblent plusieurs besoins chez les êtres humains. Si l’adoption a lieu après le départ de quelqu’un, il va d’emblée y avoir beaucoup d’émotions et d’attentes pour avoir de l’affection, de l’attention et de la chaleur de la part de son animal! »

Le rôle que joue le compagnon à deux ou à quatre pattes dans l’existence d’un individu aura, en outre, une incidence dans la manière dont le deuil sera vécu.

« Quand on est une personne âgée, ça peut être très positif d’avoir un animal de compagnie, poursuit la psychologue. Ça nous force à sortir, à nous lever le matin, à avoir une routine puisqu’il y a ce petit être qui a besoin qu’on s’occupe de lui. Les bénéfices sont nombreux : les gens ont moins de problèmes cardiovasculaires et sont dans le moment présent avec un animal. »

Ce dernier leur permettait-il d’avoir des interactions avec d’autres personnes, une vie sociale? Représentait-il l’unique source d’affection? Le seul confident? Lorsque l’animal décède, tous ces bénéfices disparaissent avec lui, et le deuil peut s’en trouver plus pénible et long à faire.

Plusieurs étapes à franchir

Au fait, existe-t-il une durée dite « normale » pour franchir cette étape tant redoutée? Pour France Carlos, auteure du livre Deuil animalier, « plus nous touchons la vraie émotion et la laissons aller sans y faire obstacle, sans la banaliser ou la fuir, plus nous nous en sortirons rapidement ». La diplômée du Centre de relation d’aide de Montréal indique, bien entendu, qu’il est parfois nécessaire d’avoir de l’accompagnement et le soutien d’un ou d’une thérapeute.

Comme c’est le cas pour le deuil d’une mère, d’un conjoint, d’une sœur ou d’un fils, différentes phases caractérisent cette épreuve. En premier lieu, une forme de déni peut se manifester, la perte de son animal de compagnie plongeant la personne dans une sorte d’état de choc. De la colère est aussi fréquemment ressentie; on cherche alors une personne responsable. Quand elle est tournée vers soi-même, cette colère tend éventuellement à se transformer en culpabilité.

« C’est d’ailleurs une particularité du deuil animalier parce que, justement, on se questionne à savoir si on en a fait suffisamment, si on aurait pu consulter un autre vétérinaire ou payer davantage pour les soins, etc., commente la Dre Lavergne dans l’un des épisodes de la série La vie après toi. On parle d’étapes, mais ça ne veut pas dire que le deuil est linéaire. Il faut respecter son rythme, savoir que tout ça est légitime et suivre la direction de ses émotions. »

L’euthanasie, une décision difficile

Également invitée à intervenir dans la production inspirée par Catherine Beauchamp et Ève Déziel, la journaliste Stéphanie Bérubé s’est appuyée sur son expérience personnelle pour signer un essai sur le deuil animalier, La vie sans Boris. Elle y traite, entre autres, du rapport à l’euthanasie, insistant sur cette notion particulière de pouvoir choisir le moment de la mort de son compagnon, de cette décision qui doit être prise et qui s’avère souvent assez ardue.

« Nous n’avons pas tous le même rythme pour arriver à cette décision-là, dit-elle, et l’autre élément, c’est qu’il faut aussi voir comment on fait ça. À cela vient s’ajouter l’importance des rituels funéraires. Aujourd’hui, il y a de tout, et à chacun de voir ce qui lui convient! Puis un jour, lorsque la douleur s’apaise – et elle s’apaise –, il reste le beau. Le deuil animalier, si ça fait mal, c’est qu’il y a eu quelque chose d’heureux avant, du bonheur avec son animal! »  

Mario et Kristal, une histoire de soutien mutuel

Kristal, une petite Yorkshire, a partagé le quotidien de Mario Martel pendant 16 ans. D’abord destinée à la reproduction, mais atteinte d’un problème aux ovaires, Mario l’a adoptée à l’âge de deux ans et lui a sauvé la vie… cinq fois plutôt qu’une! Au cours de son existence, qui a finalement duré 18 ans, Kristal a développé trois cancers et a aussi dû être réanimée lors d’une opération de détartrage.

« J’ai toujours assuré ses soins, puis dans ses dernières années, j’ai vécu un épisode de dépression, et les signes de l’âge commençaient peu à peu à se manifester chez Kristal. Je lui ai demandé de rester pour m’aider à traverser cette période difficile et elle m’a offert une présence réconfortante. Quand je me suis mis à aller mieux, la santé de Kristal a vraiment décliné et j’ai dû me résoudre à lui dire au revoir. Aujourd’hui, Lilou, une autre Yorkshire, est dans ma vie, mais je n’oublierai jamais la place qu’a occupée Kristal. Le bien qu’elle m’a apporté a vraiment surpassé la tristesse du deuil. »