Ces enfants qui n’en finissent plus de partir…

Un nombre croissant de parents fantasment à l’idée de vivre un jour le syndrome du nid vide. Ils sont aux prises avec de jeunes adultes qui s’incrustent dans le sous-sol une fois leurs études terminées, qui y reviennent tels des boomerangs pour mieux saboter la nouvelle vie à deux de leurs parents ou qui ont leur propre adresse tout en additionnant les requêtes financières. Mais jusqu’à quand cela doit-il durer ?

On s’en doute, il n’y a pas d’âge butoir universel à partir duquel nos jeunes adultes doivent définitivement voler de leurs propres ailes, hors du nid familial, et ne plus se tourner vers leurs géniteurs pour régler leurs problèmes d’argent. C’est du cas par cas, qui doit prendre en compte la liberté et la sécurité financière des parents tout autant que l’indispensable atteinte d’autonomie de leurs enfants et le maintien d’une relation saine entre les uns et les autres.

Mettre des limites… et les communiquer

S’il est vrai que certains adulescents, ces jeunes de 18 à 30 ans, n’affichent pas le niveau de maturité souhaité par leurs parents, d’emblée, la psychologue et conférencière Nadia Gagnier refuse d’en rejeter tout le blâme sur le dos de ceux qu’on appelle les enfants rois. « Il ne faut pas perdre de vue que les enfants rois ont été conditionnés par les attitudes de leurs parents valets », dit celle qui a animé entre autres les émissions Dre Nadia, psychologue à domicile et Dre Nadia, ados secours.

Selon la psychologue, l’idéal est de mettre des limites dès la petite enfance. « Si nous sommes trop permissifs, nos jeunes vont nous identifier comme des parents mous et grandir en étant moins autonomes et moins débrouillards, en se fiant sur nous plutôt que de se faire confiance », explique-t-elle.

Aussi, elle juge important que bien avant d’arriver à cette étape de la vie, les parents s’entendent sur un plan de match, puis communiquent ouvertement à leurs jeunes leurs valeurs concernant les études, le rôle financier qu’ils entendent jouer, les exigences liées à ce soutien et ce à quoi ils s’attendent en retour, de sorte que les enfants sachent à quoi s’en tenir. Par exemple, papa et maman paient les frais de scolarité et les livres, mais le jeune conserve un emploi d’étudiant pour payer son « indispensable » cellulaire et ses sorties.

Pour la suite, il n’y a pas non plus de formule unique ou idéale. On peut permettre ou pas à notre jeune adulte de rester à la maison un certain temps après ses études, lui faire payer une pension ou l’héberger gratuitement, selon nos valeurs et nos moyens financiers. L’important, c’est que les règles soient claires.

Jamais trop tard

Pas de panique : il n’est jamais trop tard pour rajuster le tir même si les cartes n’ont pas été mises sur table en temps opportun. Même chose si des imprévus se produisent, que ce soit un cheminement scolaire plus tortueux, des problèmes d’argent ou un retour au bercail à la suite d’une séparation.

« La solidarité parentale est de mise pour l’élaboration de nouvelles règles, que le couple exposera au jeune avec amour et fermeté. Par exemple, les parents peuvent dire qu’ils ne s’attendaient pas à ce que leur présence prolongée ou leur retour soit aussi exigeant en argent, en soucis et en énergie, qu’ils lui donnent jusqu’à telle date pour partir définitivement de la maison et qu’ils vont faire telle et telle choses pour lui donner un coup de main au moment du départ », ajoute Nadia Gagnier.

Le plus difficile est à venir : ne pas déroger à la limite imposée dans le temps, que ce soit celle de son départ ou celle marquant la fin de l’aide financière chaque fois que leur relevé de carte de crédit s’emballe…

« Si nous payons toujours les pots cassés en reprenant notre jeune à la maison ou en réglant ses dettes, est-ce que notre soutien l’aide vraiment à long terme ou est-ce qu’on l’empêche de se responsabiliser et de devenir autonome ? Il faut aussi se demander pourquoi on accepte que certaines situations perdurent même si elles sont sources de malaise et de contrariété. Est-ce pour le bien de notre enfant ou plutôt pour acheter la paix ? », fait valoir la psychologue.

En parler entre parents

Notre amour inconditionnel pour nos enfants et notre crainte inavouée qu’ils cessent de nous aimer nous empêchent d’être totalement lucides face aux demandes de nos jeunes adultes qui peuvent être devenus, avec notre aide bien involontaire, de fins manipulateurs. Est-ce qu’ils dépassent les bornes, abusent de notre bonté et exercent une pression indue sur nous ?

« Ces situations nous remettent beaucoup en question. Il est important d’en parler avec des pairs et d’être ouverts à leurs commentaires, car ils ont le recul qui nous manque parfois », conclut la psychologue.