Briser les tabous sexuels : mission possible !

« Tant qu’on est vivant, on a le droit à toutes les prérogatives du vivant », lance la communicatrice et sexologue Jocelyne Robert. Ceci inclut la sexualité au sens large et tant d’autres choses. Mais encore faut-il déboulonner bien des préjugés et jeter au panier bien des interdits.

Dans son livre Vieillir avec panache, l’autrice éveille les consciences avec une conviction fortement assaisonnée d’indignation. Son objectif est double : brasser la cage pour que la société change sa perception des vieux et amener les vieux à changer leur perception d’eux-mêmes.

En entrevue à Virage, Jocelyne Robert utilise sciemment « vieux » et « vieilles ». Selon elle, ces mots mal-aimés doivent être réhabilités dans cette révolution à faire afin de redonner ses lettres de noblesse à la vieillesse et permettre aux humains de vivre pleinement jusqu’au bout.

Il n’y a pas d’âge pour la sexualité

Au sujet de la sexualité, Jocelyne Robert est claire : « Le plaisir, librement désiré et consenti, n’est jamais disgracieux, jamais obscène, jamais anormal », résume-t-elle. À son avis, il n’y a pas de date de péremption pour la tendresse, l’amour, l’échange, la séduction, l’intimité corporelle, l’orgasme, etc. Et ce plaisir, on peut se l’accorder à deux ou seul.

Or, la sexualité chez les aînés est taboue. D’aucuns la croient réservée aux jeunes, aux lisses. D’autres entrent dans une espèce de mutisme érotique à un certain âge. Parce qu’ils deviennent veufs ou veuves. Parce qu’il n’y a plus de flamme dans leur couple depuis belle lurette. Parce qu’ils ont été blessés par l’intimité vécue avec l’autre. Parce qu’ils craignent de ne plus être désirables. Parce qu’ils redoutent de ne plus être à la hauteur des prouesses sexuelles d’hier. Parce que l’érotisme serait « suspect » après un certain âge, etc.

Pendant ce temps, de nombreuses personnes d’âge mûr sont animées d’une fringante libido jusque très tard dans la vie. Il n’y a pas une seule normalité, donc. Et chacun devrait être libre de vivre sa sexualité – et sa vie – comme ça lui plaît, sans laisser les préjugés âgistes dicter s’il a le droit de ci ou de ça.

Renaître à la sensualité

Mais comment faire pour renouer avec la sensualité, si bien sûr on le souhaite ? « Il faut oser recontacter cette dimension de soi. Ça peut être par de l’autoérotisme, des souvenirs sexuels, des fantasmes, ou autrement », affirme Mme Robert. De manière générale, se faire plaisir, par de la nourriture, un massage, un bain moussant, met aussi les sens en éveil.

Si un couple a mis toute forme d’érotisme sur pause depuis longtemps, quel est le premier pas pour changer la donne ? « Se parler », suggère la sexologue. Elle croit aussi aux vertus de l’humour et de l’inattendu. Comme se coller davantage sur son conjoint et observer sa réaction.

Autre atout : faire la paix avec son corps plutôt que de le maudire. Et vive les rapprochements en pleine lumière plutôt que dans la noirceur la plus complète !

Et puis, il faut oublier la performance, ce que font la majorité des couples sexuellement actifs à un grand âge. « C’est tant mieux parce que la performance, c’est d’la job ! Lorsqu’on a dépassé cette folie, on peut enfin entrer dans une sorte d’abandon qui n’est pas nécessairement dans l’achèvement », note la sexologue

À l’opposé de la performance, l’érotisme est lenteur, sensualité, rencontre et abandon, pour une sexualité différente mais tout aussi satisfaisante, sinon plus. C’est le « perdre pied » plutôt que le « prendre son pied », illustre joliment Jocelyne Robert, en rappelant que chacun doit en tout temps demeurer à l’écoute de son propre désir. Voilà un bel apprentissage à faire à deux, sans tabous et sans pression.

Et la beauté dans tout ça ?

Parmi les clichés culturels qui agacent la sexologue, il y a celui, très ancré, qui associe vieillesse humaine et laideur. Pourtant, fait-elle remarquer, on trouve beaux un arbre centenaire, un vieux sac de cuir, des œuvres d’art ancien, des maisons ancestrales, etc. N’est-il pas temps de réaliser que les vieilles personnes ont leur propre beauté, tels les mois d’automne et les soleils couchants ?

D’ailleurs, cette beauté qu’on leur aurait volée contribue au préjugé voulant que les aînés aient moins de valeur que les autres générations. Pour en finir avec cette fausseté, elle donne l’exemple d’un billet de 20 $ qu’on froisserait et qu’on piétinerait pour lui donner du vécu. Si on le dépliait, il vaudrait toujours 20 $, n’est-ce pas ?

Jocelyne Robert.

Photo : Laurence Labat

***encadré***

Déclarations chocs

  • « On ne compte plus les recherches ayant démontré qu’une vie sexuelle libre, consentie et déculpabilisée augmente l’estime de soi, améliore la qualité du sommeil, réduit le stress et l’agressivité, influence la quantité de médication nécessaire, bref, régénère la santé globale. »
  • « Nous [les Boomers] nous sommes passablement identifiés au corps que l’on a; le moment est venu de passer au corps que l’on est. »
  • « … [la pandémie] a exacerbé cette cruelle maladie de civilisation : l’âgisme. »
  • « L’intérêt érotique stimule l’intérêt pour la vie et, à son tour l’intérêt pour la vie exalte l’intérêt érotique. »

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À lire

Vieillir avec panache, Éditions de l’Homme, 2021, 21,95 $. De la même autrice : Les femmes vintage, Éditions de l’Homme, 2014, 24,95 $.