Chaque jour au Québec, trois personnes s’enlèvent la vie. Et l’une d’elles a entre 50 et 64 ans. C’est d’ailleurs dans ce groupe d’âge qu’on retrouve le plus haut taux de suicide, autant chez les hommes que chez les femmes, lequel chute substantiellement après 65 ans. Explications et pistes de solutions.
1- Les hommes de 50-64 ans sont les plus à risque
« Alors que le nombre de suicides est en légère baisse au Québec depuis le début des années 2000 et que les autres tranches d’âge ont connu des baisses importantes, il demeure stable chez les hommes de 50 à 64 ans, indique Jérôme Gaudreault, directeur général de l’Association québécoise de prévention du suicide (AQPS). Plusieurs mesures ont été mises en place chez les jeunes mais on s’est moins consacré à la réalité des 50-64 ans, ce qui fait que c’est moins documenté. On peut penser que certains moments critiques, tels qu’une perte d’emploi, événement plus problématique à cet âge, ou encore une rupture amoureuse après de longues années de vie commune, peuvent être en cause. »
2- Le taux de suicide chute de près de la moitié après 65 ans
Le directeur général de l’AQPS explique que passé l’âge de 65 ans, des facteurs de protection environnementaux et personnels contribuent à faire chuter significativement le taux de suicide : réseau social, système de santé, ressources dans le milieu, croyances, etc. « Notre expérience de vie à cet âge fait aussi en sorte qu’on arrive à relativiser les épreuves », note M. Gaudreault.
Il ajoute cependant qu’il importe de sensibiliser les intervenants et les proches au fait qu’il n’est pas plus normal d’être déprimé à 75 ans qu’à 25 ans et qu’il ne faut pas se laisser berner par nos propres conceptions de la santé mentale. « On doit s’occuper de la santé mentale des gens peu importe leur groupe d’âge », fait-il valoir.
D’ailleurs, la dépression, une tentative antérieure de suicide ainsi que les fausses croyances des intervenants et des familles font partie des facteurs de risque de suicide chez les personnes de 65 ans et plus.
3- On peut prévenir le suicide
Jérôme Gaudreault martèle qu’on a tous la responsabilité individuelle et collective de prévenir le suicide. « Ça commence par soi-même, de se dire que le suicide n’est pas une solution pour nous. On doit aussi en parler à notre entourage et répéter qu’on est là les uns pour les autres. Les communautés ont également un rôle à jouer, notamment les organismes tels que le Réseau FADOQ, qui contribuent à démystifier le suicide, à diffuser de l’information, à faire connaître les ressources, à briser l’isolement. »
4- Dans le doute, il ne faut pas s’abstenir
Faire sa part pour prévenir le suicide, c’est également connaître les signes avant-coureurs et savoir comment agir si un proche semble avoir des idées suicidaires.
« Il faut avoir la puce à l’oreille si l’on constate que le comportement d’une personne se détériore : hygiène, alimentation, augmentation de la consommation d’alcool, irritabilité, discours pessimiste, tristesse, agressivité, découragement, pertes de mémoire, difficultés de concentration, etc. »
Le directeur général de l’AQPS indique qu’en présence de tels signes, on va vers la personne et l’on met les mots sur ce qu’on perçoit. On lui demande si elle va bien, si elle veut nous parler de ses problèmes et l’on pose LA question : est-ce que ça va mal au point d’avoir des idées suicidaires ?
Lorsqu’on a l’heure juste sur la situation, c’est le signal qu’il faut aller chercher de l’aide extérieure et se mettre en mode accompagnement. Comme proche d’une personne qui songe au suicide, on peut appeler la ligne 1 866 APPELLE (277-3553) pour parler en tout temps et partout au Québec à un intervenant. Il y a aussi le site commentparlerdusuicide.com, où l’on trouve notamment des trucs accessibles pour parler du suicide dans notre entourage.
5- On doit être encore plus vigilant en période de pandémie
« La pandémie de COVID-19 a eu et continue d’avoir des incidences psychologiques pour plusieurs Québécois. Il importe de hausser notre vigilance pour les soutenir. On se préoccupe notamment de la santé mentale des personnes aînées qui ont été isolées, à la maison ou en résidence, ou affectées par la perte d’un ou de plusieurs proches », indique Jérôme Gaudreault.
Il ajoute que pandémie ou pas, le suicide demeure un phénomène multifactoriel. « La COVID-19 ne pourra jamais être une cause unique au suicide. L’âgisme demeure un enjeu lié aux décès par suicide chez les 50 ans et plus. Par exemple, certaines personnes pourraient décider de ne pas aller chercher de l’aide pour ne pas déranger, considérant à tort qu’elles sont moins importantes parce qu’elles sont plus âgées », conclut M. Gaudreault.
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Vers une stratégie nationale en prévention du suicide
Le gouvernement du Québec a enfin confirmé qu’une stratégie québécoise en prévention du suicide allait être réalisée. Danielle McCann, alors ministre de la Santé et des Services sociaux, en a fait l’annonce à l’automne 2019.
Le Réseau FADOQ a contribué à cet important engagement attendu depuis plus de 15 années par le milieu. En effet, la FADOQ fait partie des 35 organisations nationales qui composent le Collectif pour une stratégie nationale en prévention du suicide. Ce mouvement a été lancé un mois seulement avant que le gouvernement ne s’engage à élaborer une stratégie spécifique à la prévention du suicide et ainsi à en faire une priorité.