Voyage au cœur du volontourisme

Ils sont âgés de 50 ans et parfois bien plus. Ils partent pour plusieurs semaines dans un pays lointain afin de vivre et travailler bénévolement en immersion complète avec les gens du pays. J’ai rencontré au Burkina Faso, en Afrique de l’Ouest, un groupe de Québécois participant à un tel voyage solidaire.

Au cœur de la petite ville en pleine expansion qu’est Saaba dans la banlieue de Ouagadougou, le centre Kologh Naba fait figure de havre de paix. Un énorme caïlcédrat domine la cour parsemée de karités, de neems, de jujubiers et de nérés.

Kologh Naba est un centre communautaire, créé il y a une douzaine d’années par Else Trærup, une Danoise. Il compte une soixantaine de membres actifs issus des environs et comprend plusieurs ateliers : tissage, couture, fabrication de produits à base de beurre de karité, jardin potager et fruitier, rucher, menuiserie, ainsi qu’une boutique, des chambres et une table d’hôtes.

Les quatre membres québécois du groupe séjournant au Burkina Faso, dans le cadre des voyages solidaires organisés par le cégep Marie-Victorin de Montréal, sont hébergés dans des familles, à quelques kilomètres de leur lieu de travail. Ils y sont logés et nourris, sauf le midi.

Solidarité au quotidien

À 8 heures chaque matin de la semaine, Claude et Yves arrivent, à vélo, sur leur lieu de travail. Aussitôt, ils s’emparent de leurs outils : une brouette, une barre à mine, des pelles et une pioche, et se dirigent vers le chantier.

En attendant qu’arrive leur « patron », ils préparent le ciment servant à bâtir le mur d’enceinte du centre communautaire. Toute la journée, ils œuvrent sous les directives de Soumalé, le maçon. Ici, il fait environ 40 °C, mais l’air est très sec, ce qui rend le climat supportable.

À 10 heures, Claude et Yves marquent une pause à l’ombre, le temps de boire un verre de jus de bissap, une infusion de pétales d’oseille de Guinée. Ils me font part de leurs observations par rapport à leur tâche d’aide-maçon qui n’a strictement rien à voir avec leur expérience professionnelle, et qu’ils ont accepté d’accomplir durant leur séjour. Tous deux sont de la région montréalaise, Yves était employé dans un centre éducatif, et Claude, fonctionnaire.

Danielle, une Montréalaise, œuvre, elle, avec les femmes du centre Kologh Naba, selon les besoins du moment, tantôt à l’atelier de beurre de karité, tantôt à l’atelier de couture.

Une douzaine de couturières travaillent là, fabriquant des vêtements, des accessoires de table ou encore des pochettes pour téléphone cellulaire, en fonction des commandes. La fondatrice du centre a en effet mis en place un réseau de vente dans les pays scandinaves.

Anciennement chargée de l’administration dans une compagnie montréalaise, Danielle passe son temps à préparer des centaines de ces sacs pour téléphone, tout en échangeant avec les couturières. « Cela prend de l’humilité et de la simplicité », me dit-elle.

De son côté, Micheline, une autre Montréalaise, met à profit sa formation médicale pour œuvrer auprès de jeunes dans un centre pour sourds-muets d’un autre secteur de Saaba.

Vers midi, nous nous retrouvons, Danielle, Claude, Yves et moi, pour le repas servi à la table d’hôtes par Zalissa, Bernardine et Pascaline. Le menu complet est toujours succulent et les plats sont copieux, reconnaissons-nous en chœur.

Régulièrement, Bernadette Kabré, la coordonnatrice du programme pour le compte du cégep Marie-Victorin au Burkina Faso, passe rendre visite aux volontaires québécois. C’est elle, sous le couvert d’une ONG locale, qui se charge de trouver des familles pour accueillir les participants et de trouver du travail à ceux-ci. Bernadette veille également au bon déroulement du séjour : fournir des vélos, planifier les sorties les jours de congé, gérer les finances.

Pour participer à ce voyage solidaire de 49 jours, les participants ont déboursé 5 870 $ chacun, montant qui couvre à peu près toutes les dépenses. Les familles d’accueil reçoivent une indemnité pour héberger et nourrir les volontaires.

En famille d’accueil

Micheline, Danielle, Claude et Yves ne vivent pas dans des huttes au sol en terre battue, loin s’en faut. Les familles qui les accueillent font partie de la classe moyenne et vivent dans de grandes et confortables maisons dans un quartier de Saaba.

Sollicitée pour accueillir un volontaire québécois, Sidonie, qui vit seule avec ses garçons de 14 ans et 10 ans, n’a pas hésité. « C’est l’occasion d’échanger des idées. Yves me parle du Canada, moi, je lui parle du Burkina Faso. Il s’est bien adapté. Je n’ai rien changé dans mes façons de faire et de cuisiner. Je voulais lui montrer comment on mange en Afrique. C’est l’invité parfait. Il va nous manquer », dit Sidonie.

« Je fais cela pour rendre service, pour qu’on puisse se connaître davantage. Un jour, peut-être, j’irai là-bas, au Canada », dit Jeanne d’Arc, mère de deux adolescentes, qui reçoit Claude et Micheline.

Danielle, elle, est hébergée par Djénéba et Abdoulaye, parents de deux jeunes enfants. « Je me suis fait une amie. On va s’ennuyer d’elle », dit Djénéba.

À la découverte du Burkina Faso

Les fins de semaine ainsi que durant quatre jours consécutifs en milieu de séjour, les quatre Québécois découvrent Ouagadougou, la capitale.

Ensemble, ils sont aussi partis pour un périple dans le sud-ouest du pays où ils ont visité une réserve animalière, eu une audience avec un chef coutumier et visité les ruines de Loropéni, le seul site historique du Burkina Faso classé au patrimoine mondial par l’UNESCO.

« C’est un moyen de voir le pays et de découvrir d’autres régions que celle où nous séjournons. C’est aussi un moyen de nous retrouver entre membres du groupe et de discuter de nos expériences personnelles », racontent-ils.

« La partie vacances de mon séjour est celle qui m’a apporté la plus grande surprise. Je n’avais pas imaginé que quatre coopérants ne se connaissant pas à l’avance pouvaient aussi bien s’entendre pour voyager ensemble », dit Micheline.

Que retiennent-ils de cette expérience de voyage solidaire ? Danielle et Yves savaient déjà à quoi s’en tenir, ayant, elle, déjà séjourné dans des conditions similaires au Sénégal, et lui, en Albanie.

« Je considère que j’ai reçu plus que j’ai donné », estime Yves.

« J’ai travaillé pour un employeur qui engageait des immigrés, dit Claude. Par ce voyage, je voulais vivre l’envers de la médaille. Mes attentes sont satisfaites. J’ai rencontré des gens très accueillants et très sociables. Les Burkinabè font preuve d’une grande fierté et d’un esprit d’entraide. »

« Les Québécois sont toujours dans l’organisation et la planification de toutes les facettes de leur vie. Ce séjour m’aura appris à profiter un peu plus de l’instant présent. De plus, les Burkinabè sont très respectueux de leurs racines et de leurs ancêtres. Au Québec on oublie nos racines. Je crois que je vais renouer avec mes racines », dit Micheline.

Photo : Paul Simier