Six visages de la jeune soixantaine

L’événement frappe moins l’imaginaire que l’arrivée dans la cinquantaine. Fêter ses 60 ans en 2014 n’en demeure pas moins une étape significative, que l’on franchit mi-figue, mi-raisin, en se disant que vieillir est la seule façon de rester en vie et que cet anniversaire charnière frappe aussi plusieurs personnalités cette année, dont Oprah Winfrey, John Travolta, Francis Cabrel et Thomas Mulcair !

À la retraite ou toujours sur le marché du travail, seuls ou en couple, avec ou sans petits-enfants à aimer à la folie, plus ou moins pris en sandwich entre leurs enfants pas tout à fait autonomes et leurs parents âgés, les jeunes sexagénaires n’ont pas un profil homogène. En voici six visages.

Adréna-Lyne

À toute rédactrice en chef, tout honneur, laissons Lyne Rémillard parler de ce passage vécu somme toute en douceur, le printemps dernier. « Il y a une nette différence entre comment on est à 60 ans et les préjugés véhiculés sur nous. Comme société, il faut s’attaquer à ces stéréotypes. »

S’il est plus difficile de dire que l’âge n’a pas d’importance, sur le plan de la carrière, cette étape comporte des défis stimulants aux yeux de cette femme au dynamisme hors du commun : « Il faut savoir se servir de notre expérience sans arrêter de développer de nouvelles compétences. »

Veuve depuis 17 ans, elle aimerait bien vieillir avec quelqu’un, mais elle n’est plus à l’âge du couple à tout prix, ni des grands compromis d’ailleurs, peu importe la sphère de sa vie.

Nouvellement grand-mère, elle adore le petit Jayson, mais sa carrière très prenante fait en sorte que sa vie ne tourne pas uniquement autour de ce petit ange. Toutefois, son téléphone intelligent est rempli de photos de lui…

Daniel : une retraite fraises et érable

Daniel, lui, avoue avoir pris un coup de vieux à son départ à la retraite après 32 ans de service pour le gouvernement fédéral. Serein financièrement grâce à « la Cadillac des fonds de retraite », il lui manquait toutefois des défis.

Puis, deux projets ont germé, dans la continuité de sa profession d’agronome : la culture de fraises d’automne avec son frère agriculteur et l’apprentissage du métier de maître-sucrier chez sa cousine. Dans les deux cas il est actif, dans la nature et produit quelque chose de délicieux !

Son besoin de se sentir utile est par ailleurs comblé par son rôle de proche aidant auprès de ses parents. « J’aime m’occuper d’eux et j’ai le temps de le faire. Plus tard, j’envisage même de faire du bénévolat à la popote roulante. »

De plus, il s’entraîne, a même couru un demi-marathon, suit des cours à l’Université du troisième âge, fait des voyages avec sa conjointe, etc. En somme, il a apprivoisé la retraite !

Lynda gaga

« À 50 ans, on veut réaliser des rêves, posséder des choses, etc. À 60, on se rend compte que tout ça n’a pas de sens sans l’essentiel : la santé. Je consacre donc beaucoup d’énergie à me garder en santé et en forme, en plus de voyager, de suivre des cours, etc. », affirme pour sa part Lynda.

Retraitée de l’enseignement, elle partage son temps entre les coups de main à ses deux fils et les visites à sa mère âgée, tout en se bloquant des journées à elle, sans quoi la vie se charge rapidement de lui envoyer des signaux des dangers d’un tel déséquilibre.

Et si le déclin fait son œuvre, le tout est très largement compensé par les joies que lui procurent Gabriel, son premier petit-fils, dont elle s’avoue complètement gaga. « Sa présence me comble d’affection. Il a réveillé quelque chose de merveilleux en moi : le bonheur de me sentir extraordinaire, juste en étant moi-même. »

Jean dit : « Le travail, différemment »

À 61 ans, Jean affirme que l’idée de la retraite ne lui a jamais traversé l’esprit. Mais il travaille différemment maintenant, à raison de quatre jours par semaine. « Tant que la passion sera là, je vais continuer. Même chose pour le hockey : tant que je serai compétitif, je n’accrocherai pas mes patins ! »

Ce temps libéré est consacré à découvrir de nouveaux restaurants, voir des matchs du Canadien dont il est un fan inconditionnel, savourer la vie à deux, tout en étant très disponible pour la portion de sa famille qui est en croissance : ses deux fils et son petit-fils.

La décroissance fait aussi partie du quotidien de ce grand bénévole devenu proche aidant auprès de son père, 92 ans et de sa mère, un phénomène à 87 ans, dont il souhaite avoir hérité du gène de l’énergie !

Lucie : pas les moyens d’arrêter

Copropriétaire d’un restaurant avec son conjoint, Lucie n’a pas les moyens de prendre sa retraite, ni même de diminuer les heures consacrées à gérer l’entreprise et à servir les clients.

« À deux, on gagne assez pour vivre, mais pas assez pour économiser en vue de nos vieux jours ni pour prendre de longues vacances. Nous sommes soudés à notre commerce, qui sinon serait voué à l’échec. »

Au fil des ans, quelques coups durs sont venus gâter la sauce, forçant le couple à mener une vie modeste. Mais Lucie ne se dit pas inquiète pour l’avenir : « Nous nous nourrissons bien, nous sommes actifs et nous exerçons un métier que nous aimons. Alors, il n’y a pas de problème… pourvu que la santé tienne le coup ! »

Jacques : vieillir avec cœur

Pour Jacques, le passage à 60 ans n’a pas été difficile. Après tout, il n’était qu’une journée plus vieux que la veille ! Pour lui, le grand coup s’est produit un an plus tard, sous la forme de plusieurs pontages coronariens. Quelques mois plus tard, il laissait son emploi stressant de cadre dans le réseau de la santé, pour mieux s’investir bénévolement dans un projet de coopérative de services vouée au maintien à domicile.

« Pour moi, il y a une certaine gradation dans ma vie de retraité puisque mon épouse est encore sur le marché du travail. Je vis un peu de solitude, bien que je fasse du sport, du bénévolat et des voyages. »

Ses pontages l’ont incité à mieux s’alimenter et à agir sur les facteurs évitables de la maladie cardiaque. Et puis, il peut compter sur trois petites-filles – un autre petit-enfant est aussi en chemin ! – pour lui faire oublier ses petits bobos !