Quand les divorces font boom

Ils ont changé la donne partout sur leur passage. Aujourd’hui, les baby-boomers font exploser les statistiques en matière de divorce. Mais qu’est-ce qui les pousse à mettre fin à plusieurs décennies de vie commune ? Analyse d’une tendance lourde.

On le sait, de nos jours, 50 % des mariages finissent par un divorce. Ce qui est relativement nouveau, c’est le nombre élevé de divorces chez les 50 ans et plus, un phénomène jadis davantage concentré dans la trentaine et la quarantaine. Selon les chiffres de l’Institut de la statistique du Québec, en 2008, 21 % des gens qui ont divorcé avaient entre 50 et 59 ans et le pourcentage grimpait à 28,5 % en incluant toutes les personnes de 50 ans et plus. Cette année-là seulement, plus de 8500 Québécois de 50 ans et plus ont divorcé, sans compter toutes les unions libres qui ont pris fin !

Le même phénomène s’observe dans le reste du Canada, le divorce gris étant en croissance constante selon Statistique Canada. En France, le taux de divorce des « quinquas », comme on les appelle là-bas, a presque doublé en quelques années seulement, indiquent les chiffres de l’Institut national d’études démographiques. Et, ici comme ailleurs, tout porte à croire que la tendance va se maintenir…

Comme Meryl et Tommy Lee?

Ainsi, si vous êtes comme Meryl Streep et Tommy Lee Jones, héros du film L’espoir est à Hope Springs, et que votre union est en perdition, vous n’êtes pas seul. Des milliers de couples font ainsi les funambules sur la corde raide séparant la vie à deux de celle en solo.

Certains réussiront à raviver la flamme par différents moyens, dont une dispendieuse thérapie de couple, comme ce fut le cas pour Meryl et Tommy Lee dans la comédie romantique racontant l’ultime tentative de ces époux d’âge mûr pour sauver leur union. Toutefois, en quantité croissante, d’autres déclareront forfait. Déjà, au Québec, 37 % des 3 millions de personnes de 50 ans et plus sont célibataires, séparées, divorcées ou veuves…

Une séparation, c’est pas banal

Pourquoi tant de ruptures parmi les baby-boomers ? Les pistes d’explications sont nombreuses, la principale étant une mentalité différente engendrant une espèce de banalisation de la séparation, selon Dr Yves Dalpé, psychologue et sexologue.

« Si l’on a chéri quelqu’un pendant des années, il n’y a pas de raison que ça s’en aille comme ça. À mon avis, trop de gens prennent le risque d’aller chercher l’amour ailleurs alors qu’il est encore là, dans leur couple. On jette les relations à la poubelle un peu vite et j’ai de la misère avec ça. On ne réalise pas l’importance des liens tissés au fil des ans et la souffrance associée aux conséquences de la séparation », dit l’auteur du livre L’infidélité n’est pas banale et coauteur, avec sa conjointe, la psychologue Johanne Côté, du livre La puissance des amoureux de longue durée ( Éditions Québecor, 24,95 $ et 34,95 $ ).

Ce spécialiste des couples et de l’amour estime que, de façon générale, plus une union a duré longtemps, plus la séparation est pénible puisque les liens se sont tissés très longtemps, même si ça n’a pas été toujours facile.

« Une séparation à 50, 60 ou 70 ans atteint profondément l’équilibre de la personne. Elle touche les enfants, les petits-enfants et tout le réseau social. Les gens âgés vont habituellement mettre plus de temps à s’en remettre que les plus jeunes. Et puis, plusieurs se rendent compte, après quelque temps, que la séparation a bel et bien changé leur vie, mais pas toujours positivement. » On pense aux conséquences financières, bien sûr, mais il s’avère aussi difficile de trouver l’âme soeur et de s’abandonner à nouveau à l’amour.

Retraite, urgence de vivre…

Est-ce que l’heure de la retraite ou le départ des enfants du nid familial peuvent eux aussi expliquer la hausse des séparations après 50 ans ? « Pour avoir un couple qui dure, il faut savoir surmonter différents défis d’évolution, des étapes que chacun vit à sa façon tout au long de la relation. Savoir refaire le pont entre les conjoints lors de ces transitions, comme la retraite et le départ des enfants, permet de préserver le sentiment amoureux entre deux personnes », estime Dre Stéphanie Léonard, psychologue et chroniqueuse dans divers médias électroniques et écrits.

Yves Dalpé croit aussi que l’on ne peut jeter la pierre à un événement en particulier pour expliquer la tendance des couples de 50 ans et plus à se dire adieu. « Si on se sépare au moment de la retraite, c’est que l’union était boîteuse avant et non parce que la retraite a été mal préparée. Ça accrochait déjà, le niveau de confidences était bas, la communication était déficiente, les projets communs étaient rares. Vivre dans ce contexte 100 % du temps devient intolérable à la retraite. »

Par ailleurs, avoir 50 ans aujourd’hui n’a rien à voir avec ce que c’était il y a quelques décennies à peine. Notre espérance de vie étant beaucoup plus longue, refaire notre vie a encore un sens à cet âge car malgré une vie de couple qui s’éteint après un quart de siècle, une seconde, tout aussi longue, peut nous attendre !

Le décès de nos proches, certains à un âge similaire au nôtre, peut aussi faire résonner au fond de nous notre propre peur de la mort et nous inciter à mettre fin à des décennies de vie commune, prétextant une urgence de vivre.

L’authenticité est la clé

Au moment de conclure, la psychologue Stéphanie Léonard lève son chapeau aux amoureux au long cours, qu’elle voit comme des champions des adaptations multiples qui jalonnent la vie de couple et la vie tout court. Elle fait valoir qu’il n’y a pas de recette magique pour assurer le bonheur à deux mais qu’un mot tout simple peut servir de guide : authenticité.

« Si les deux personnes sont authentiques dans leurs valeurs, leurs limites, leurs préférences et leurs besoins, qu’elles les communiquent et travaillent sur elles-mêmes, leurs chances sont meilleures de réussir leur relation. »