Pour le plaisir de Lire et faire lire

Recruter des bénévoles de 50 ans et plus pour lire des histoires à des enfants de 4 à 8 ans, dans un esprit de partage et de plaisir. C’est l’idée de génie de Lire et faire lire, un programme intergénérationnel visant à développer le goût de la lecture chez les petits.

Place à la lecture plaisir

Un après-midi d’automne ensoleillé, dans une école montréalaise. Comme tous les mercredis depuis un mois, huit aînées viennent lire des histoires aux élèves de première année. Elles sont attendues avec impatience. Dès qu’elle l’aperçoit, une fillette se jette dans les bras de sa bénévole-lectrice.

Vite, vite, les petits groupes d’un adulte pour deux ou trois enfants se forment et se répartissent entre salle de classe et bibliothèque. Place à la lecture plaisir : trois jeunes rient de bon cœur en écoutant les aventures de Winnie la sorcière, leurs voisins manipulent avec enthousiasme l’album Couleurs, tandis qu’à une autre table, on compte les tentatives de Rosie pour enfourcher une bicyclette dans La petite truie, le vélo et la lune.

Noura Terzi, l’enseignante, commente : « Avec moi, les élèves sont encadrés, ils ne bougent pas. Avec les aînés, ils s’expriment comme ils veulent. Je vois une petite lumière s’allumer dans leurs yeux. » Trois ou quatre histoires, un « Cherche et trouve », et l’heure dédiée à l’activité est déjà terminée.

De l’apprentissage à la passion

Plusieurs bénévoles mentionnent l’intérêt croissant des petits pour la lecture et le livre. « C’est agréable de voir l’évolution des enfants par rapport à la lecture parce qu’ils essaient de déchiffrer. J’aime aussi voir comment ils apprivoisent le livre avec nous : ils apprécient les illustrations, on leur fait remarquer certaines choses, ils essaient de deviner comment l’histoire va se poursuivre… », partage Amélie.

Nina renchérit : « C’est un bonheur de montrer aux petits qu’il y a autre chose que les écrans… J’ai déjà mené la bataille avec mes enfants, qui sont maintenant à l’université ! » Cette approche ludique de la lecture suscite la collaboration des enseignants. Ainsi, Johanne Turcotte, responsable des services aux membres de Lire et faire lire et bénévole-lectrice, raconte comment un professeur a apporté un livre en braille en classe, après l’avoir entendue lire Les yeux noirs, l’histoire d’un petit garçon aveugle, à un groupe d’élèves captivés.

Bénévole-lecteur, un rôle clé

Cofondé par l’écrivain Alexandre Jardin en Bretagne, au milieu des années 1980, le programme Lire et faire lire a été implanté dans toute la France en 1999, avant d’être lancé au Québec en 2002. Fin 2017, il comptait 2 000 bénévoles-lecteurs, répartis dans les 17 régions administratives du Québec, ainsi qu’en Ontario et en Alberta.

Andrée Boileau, responsable de l’une des 118 antennes de l’association, souligne l’importance des bénévoles dans le succès du programme : « À Trois-Rivières, nous sommes dans notre 11e année d’activité et 50 % des bénévoles nous sont fidèles depuis le début. La moyenne d’âge tourne autour de 64 ans, avec des jeunes cinquantenaires tout comme une dame de plus de 75 ans. Nous comptons six hommes et nous en souhaiterions encore davantage, car la figure paternelle fait parfois défaut aux enfants. »

Leur engagement ? Se rendre disponibles pour une heure de lecture hebdomadaire sur une plage horaire fixe, pendant au moins huit semaines consécutives. Chaque bénévole-lecteur reçoit une trousse de départ, incluant notamment un guide d’auto-formation, et se voit attribuer un petit groupe de deux à cinq enfants qu’il va rencontrer à la garderie ou à l’école.

Il choisit librement les histoires, en s’appuyant sur les ressources de la bibliothèque municipale et sur la sélection proposée par Lire et faire lire sur son site Web. Les liens humains font le reste. Les bénévoles s’échangent des conseils de lecture entre eux, les plus expérimentés faisant profiter les autres de leurs idées. Au fil des semaines, chacun apprend à connaître les goûts de ses apprentis-lecteurs.

Nina détaille : « [Dans mon groupe], j’ai deux enfants qui ne sont pas francophones : à chaque fois, ils apprennent deux ou trois mots. Et ils adorent les chiffres, alors je dois toujours trouver des livres les amenant à compter quelque chose. Ce n’est pas seulement le tiroir lecture qu’on ouvre, c’est celui de la découverte. »

Des livres et des liens

S’investir dans Lire et faire lire permet de tisser des liens avec d’autres aînés, mais surtout avec les enfants. « On pense souvent qu’il y a un monde entre le petit et l’aîné de 60 ou 70 ans, mais en fait ils ne sont pas si loin l’un de l’autre », remarque Andrée Boileau. D’après elle, du point de vue de l’enfant, avoir un adulte significatif de plus est précieux. Et si le bénévole-lecteur donne beaucoup, il reçoit énormément en échange.

Nicole abonde dans le même sens : « Ce que j’aime, c’est le bonheur dans leurs yeux quand on arrive et qu’on sort des livres. La découverte, l’échange qu’on peut avoir avec eux. »

Pour Johanne Turcotte, « C’est comme une relation de papi et mamie. On est dans le pur plaisir. Les enfants s’attachent rapidement, et quand on les rencontre à l’épicerie, c’est comme si on était les stars du mois ! » 

S’impliquer dans Lire et faire lire, c’est aussi créer des liens au sein de la communauté, tout en contribuant à lutter contre le décrochage scolaire. Selon Noura Terzi, « Lire et faire lire permet de s’attaquer à plusieurs enjeux autour de la lecture : l’amélioration de la compréhension, des capacités d’écoute et d’attention, du vocabulaire et de l’habileté à s’exprimer. » Une belle démonstration que les idées les plus simples sont parfois les meilleures !

Pour devenir bénévole-lecteur : lireetfairelire.qc.ca, 579 721-1113.

Photo : Bénédicte Brocard