Portes ouvertes sur les maisons de soins palliatifs

On dit d’elles qu’elles sont merveilleuses, indispensables, qu’elles prêtent vie à la mort à force de compassion. Mais si notre parcours de vie ne nous a pas donné l’occasion d’y entrer, elles demeurent un mystère. Portes ouvertes sur les maisons de soins palliatifs et les combats qu’elles mènent, de concert avec des organismes comme le Réseau FADOQ, pour que toutes les personnes qui pourraient en bénéficier puissent en faire leur dernière maison, et non seulement une portion d’entre elles, ce qui rendrait encore plus marginal le recours à une éventuelle aide médicale à mourir.

Une maison exemplaire : Mathieu-Froment-Savoie

Virage a cogné à la porte de l’une de ces maisons aux miracles, la maison Mathieu-Froment-Savoie, à Gatineau, et a été accueilli dans ce havre de compassion tel un proche de ceux qui y pousseront leur dernier souffle, en toute sérénité.

Nommé ainsi en mémoire d’un prodige du violoncelle décédé du cancer à l’âge de 13 ans, ce centre de soins palliatifs est tenu à bout de bras depuis sa fondation par sa directrice générale, Suzanne Fitzback, 32 employés et 75 bénévoles. Les 11 lits voient s’éteindre 200 personnes par année, après un séjour oscillant en moyenne entre 18 et 21 jours.

Les services offerts par cet organisme sans but lucratif qui dessert le territoire de l’Outaouais sont gratuits. La Maison tient annuellement six activités de financement pour amasser les 840 000 $ d’écart entre le budget annuel de 1,5 M $ et la part versée par l’Agence de la santé et des services sociaux. Un financement que Mme Fitzback voudrait voir rehaussé afin que la Maison puisse faire encore plus.

Le gouvernement du Québec a d’ailleurs répondu en partie à ce souhait le mois dernier, en augmentant de 13 % le financement public pour les lits des maisons de soins palliatifs et en ajoutant 47 lits à travers le Québec, portant le nombre total à 791.

« Ici, ce n’est pas un mouroir, c’est un milieu de vie. Notre philosophie est de fournir des soins palliatifs en toute dignité dans un milieu familial, dans le respect de la personne et de ses proches », résume Mme Fitzback. Cette travailleuse sociale de formation en a plein les bras mais rêve néanmoins d’un centre de jour pour les malades ayant un pronostic de huit à douze mois de vie, dans le sous-sol de la Maison.

Aux petits soins… palliatifs

À la maison Mathieu-Froment-Savoie comme dans la trentaine d’autres établissements du genre au Québec, les gens peuvent manger ce qu’ils veulent, quand ils le veulent et ne se font jamais réveiller pour se faire donner une pilule. Ils obtiennent aussi en tout temps les soins nécessaires pour soulager leurs souffrances et l’écoute apte à calmer leurs angoisses.

« Nous avons des demandes spéciales, comme cette dame qui voulait manger des crêpes à 2 h du matin. Les bénévoles en cuisine se font un devoir de satisfaire ces petites envies. En retour, nous recevons des marques de reconnaissance extrêmement touchantes. On nous compare souvent à des anges et on dit que la Maison est la porte du paradis », raconte Mme Fitzback, avouant que la charge émotive reliée à ses fonctions est parfois très grande.

Thérèse Chagnon, une charmante dame de 85 ans admise à la Maison huit jours plus tôt, confirme les propos de la dévouée directrice générale. « Les bénévoles et le personnel sont incroyables. C’est tellement extraordinaire ici qu’après deux jours, je voulais écrire une lettre au bon Dieu pour obtenir une extension de séjour », blague-t-elle. Elle accepte son sort, se sent privilégiée d’avoir eu une belle vie et est heureuse de finir ses jours bien entourée, un contexte qui fait d’elle une « millionnaire en amour ».

Infirmière, Lucie McNicoll fait partie depuis quatre ans du personnel qui fait l’impossible pour tous ceux dont la dernière adresse sera celle de la Maison. « Les gens qu’on accueille vont tous mourir bientôt. Mais j’ai la conviction de pouvoir faire une différence afin que ça se passe paisiblement », dit cette femme d’une grande douceur.

Quant aux proches, ils sont les bienvenus 24 heures sur 24 et ils peuvent participer aux soins autant qu’ils le désirent. Le personnel et les bénévoles dûment formés prêtent aussi une oreille attentive à leurs besoins et à leurs tourments.

« Pour ceux qui ont tenu le coup longtemps comme proches aidants à domicile, l’arrivée à la Maison permet de redevenir ce qu’ils étaient avant la maladie puisque notre équipe s’occupe des soins et de tout le reste. Un homme m’a confié qu’il avait pu revivre une relation d’amour avec sa conjointe malade, à la toute fin », se souvient avec émotion Jean-Yves Prévost, bénévole.

Pas d’aide médicale à mourir à la Maison

« Je suis 300 % d’accord avec les organismes qui  affirment que si la souffrance physique est bien contrôlée jusqu’à la fin et que les gens sont entourés de leur famille, ils ne souhaiteront pas d’aide médicale à mourir. La solution passe par une augmentation du financement des soins palliatifs », déclare Mme Fitzback, alors que le gouvernement s’apprête à légiférer sur ce houleux et délicat sujet.

D’ailleurs, à la Maison, comme dans d’autres établissements du genre au Québec, on n’a pas l’intention de procéder à de l’aide médicale à mourir. « Il faut appeler les choses par leur nom : l’aide médicale à mourir est de l’euthanasie. Et ici, il n’y en aura pas. Au besoin, on appellera au CSSS et un autre médecin le fera », maintient Mme Fitzback.

Présidente du Réseau de soins palliatifs du Québec, Alberte Déry s’inscrit elle aussi en faux contre le projet de loi dans sa forme actuelle. Le mémoire déposé par cet organisme demande d’ailleurs que tout ce qui concerne les soins palliatifs soit retiré du projet de loi. « Les soins palliatifs doivent continuer d’être considérés comme des soins et ne pas être intégrés à un projet de loi sur l’aide médicale à mourir, qui n’est pas un soin », affirme-t-elle.

Trop peu, selon le Réseau FADOQ

Pour sa part, le Réseau FADOQ s’est prononcé en faveur du projet de loi, tout en exigeant des modifications et en rappelant que l’aide médicale à mourir doit demeurer une mesure d’exception. Il abonde toutefois dans le même sens que le Réseau de soins palliatifs du Québec et plusieurs autres organismes ayant déposé des mémoires dans le cadre de la commission parlementaire sur la question de mourir dans la dignité, en ce qui a trait au besoin évident d’augmentation des subventions allouées aux soins palliatifs.

Que la proportion des malades du Québec ayant accès à des soins palliatifs soit actuellement de 20 %, comme l’avance le Réseau de soins palliatifs ou qu’elle soit bien supérieure à cela, comme le prétend le gouvernement du Québec, le Réseau FADOQ estime qu’il faut aspirer à une note de 100 % à cet égard.

Dans son mémoire, le principal défenseur d’une qualité de vie adéquate pour tous les aînés du Québec demande également que le gouvernement œuvre davantage en amont et encadre mieux l’ensemble du processus de vieillissement de la population, bien avant qu’il ne soit question d’aide médicale à mourir. D’ailleurs, pour le Réseau FADOQ, vieillir dans la dignité et mourir dans la dignité demeurent deux réflexions complémentaires.

« Faites-le don ! »

Toutes les maisons de soins palliatifs sont à court de dons pour en faire encore plus pour encore plus de personnes. À l’occasion du décès d’un de vos proches ou tout simplement dans l’esprit de partage du temps des fêtes, pensez à faire un don à celle qui a pignon sur rue dans votre région. Un geste sûr de faire du bien à quelqu’un à un moment vers lequel nous nous dirigeons tous, inéluctablement…