Leçon de cuisine plaisir avec Daniel Vézina

Dans l’atelier du Laurie Raphaël, où Daniel Vézina prépare les plats qui seront photographiés pour Virage, trépieds et objectifs côtoient chaudrons et aliments frais. Décontracté, de bonne humeur, il chante même quelques refrains, allant et venant sans cesse de l’assiette à photographier à ses planches à découper, osant une dernière touche pour rendre encore plus irrésistibles des plats déjà alléchants. Pas un instant sa vigilance ne le quitte. Et il suffit de le voir s’extasier devant des betteraves lovées dans leur « igloo » de sel, pour réaliser ce que Daniel Vézina me confirmera ensuite en entrevue : « Je ne travaille pas, je m’amuse ! »

Une journée avec le chef, auteur et animateur des émissions Les chefs ! et L’effet Vézina est une leçon de cuisine riche en enseignements. J’en suis revenue avec un panier rempli d’astuces et de découvertes. Par-dessus tout, j’en retiens son extrême souci du détail, du choix des ingrédients à la présentation de l’assiette, et cette généreuse part de créativité qui le distingue et fait une réelle différence, au goût. Quelques heures de ce régime à haute teneur en gourmandise et l’on a le goût d’y adhérer à jamais avec un convaincant : « Oui chef ! »

Daniel s’en va-t-au marché

Au cours d’une entrevue où les anecdotes de banquets grandioses, les recettes de bouchées et les projets de voyages culinaires s’entremêlent, Daniel raconte qu’il est au marché du Vieux-Port de Québec tous les samedis, tâtant pommes de terre et tomates, humant herbes et fromages. Quand il est à Montréal, il fréquente assidûment les marchés Jean-Talon et Atwater. C’est là que fusent les idées, que germe la créativité. Car ce qu’il veut avant tout, c’est travailler avec des produits impeccables, qu’il mettra en valeur avec un juste dosage de simplicité et d’audace.

« Pour moi, l’automne et la période des Fêtes sont synonymes de frénésie, de réconfort et de gâteries. Pour la boutique, je prépare notamment une centaine de terrines de foie gras et des dizaines de pots de confiture de vieux garçon, soit des étages de différents fruits à l’alcool qui font d’excellents trous normands », explique ce chef à l’impressionnante feuille de route qui, à 53 ans, possède déjà près de 35 ans de métier.

Chef, de père en fils

Le Laurie Raphaël est une histoire de famille. Laurie-Alex était sur le point de naître, en 1991, lorsque le couple a choisi de donner au restaurant de Québec les prénoms de ses deux enfants. Les associés en amour et en affaires étaient loin de penser que plus tard, leurs deux enfants y travailleraient, l’un en cuisine, l’autre en administration, ce qui a de loin surpassé leurs attentes. Un deuxième resto du même nom a pignon sur rue à Montréal, dans l’hôtel Le Germain, depuis 2007.

« Raphaël est le chef du restaurant de Québec. Le transfert de l’entreprise est en cours. À un certain âge, il hésitait entre la cuisine et la mécanique. Je lui avais fait valoir qu’il était plus agréable d’avoir les doigts dans le chocolat que dans l’huile à moteur », blague celui qui reconnaît en son fils ses propres gènes de passionné.

Maintenant qu’il a le poste de chef exécutif des deux renommés restos, Daniel s’occupe de dénicher les produits, construire les menus pour les événements spéciaux, préparer ses émissions de télévision, donner des cours dans son atelier de Québec, remplir les étagères de la boutique, etc. Beaucoup d’heures chaque semaine à s’amuser, quoi !

« Je prends le temps de faire les choses. Par exemple, je crée des bouchées et tant pis si leur préparation est longue. Comme ces pommettes passées à l’eau bouillante, puis évidées, que je farcis de foie gras, que je referme, que je pique d’un bâton et que je trempe dans le caramel avant de les saupoudrer de fleur de sel. J’en ferai 500 qui compteront parmi les 5 000 hors-d’œuvre au menu d’un grand banquet, cet automne », dit-il, fier de sa trouvaille. Et il enchaîne avec ce croustillant à la pomme de terre servi récemment et qui a étonné même son équipe, dont les papilles sont pourtant habituées à ce qu’il y a de meilleur.

Culinaire et humanitaire

Chez les Vézina, le mois de janvier est toujours congé et les vacances sont prévues à l’agenda avant les activités professionnelles. Des voyages à forte connotation culinaire, comme celui qui les a menés, son fils et lui, aux meilleures tables de Chicago et San Francisco, le mois dernier. « Goûter ce qui se fait ailleurs est une source d’inspiration et de motivation », lance l’énergique mentor de tant d’aspirants chefs.

Et de quoi sera faite la suite ? Dans sa tête mijotent des projets de livres, une envie de mettre à profit son expertise en fusionnant le culinaire et l’humanitaire, un désir de transmettre son savoir, une volonté de s’investir encore plus dans les causes qu’il a adoptées, un appétit pour les séjours à l’étranger afin de perfectionner telle ou telle technique : en Italie pour les pâtes, ailleurs dans le monde pour le sous-vide, le pain, etc.

« En cuisine, exceller en tout est l’histoire d’une vie. Il y a beaucoup à apprendre et il faut répéter encore et encore pour vraiment maîtriser une technique », dit-il avec enthousiasme. Et le voilà avec une dernière anecdote sur cette confiture de tomates vertes goûtée en Provence, qu’il a finalement réussi à reproduire après de multiples tentatives, avant d’y ajouter la touche Vézina.

Sur le chemin du retour, j’ai pris la pleine mesure de ce qui fait le pain quotidien de Daniel Vézina. Car moi aussi, lorsque mon métier m’amène à faire de telles rencontres, je ne travaille pas, je m’amuse !

Photo : Marc Couture – Maquillage : Chantal Dubois