Et si c’était le TDAH ?

De plus en plus de personnes découvrent à 50, 60 ou 70 ans qu’elles ont un trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH). Dans les faits, la moitié des 280 000 adultes québécois qui ont un TDAH l’ignorent, ce qui ajoute à leur souffrance et à leur désarroi.

« Le TDAH est un trouble neuro-développemental qui a un impact sur le fonctionnement professionnel, social et familial », explique la neuropsychologue Valérie Drolet. La spécialiste ajoute que le TDAH n’apparaît pas soudainement à l’âge de 65 ans. Les symptômes remontent à l’enfance et marquent toute la vie de difficultés et d’échecs.

Telle fille, telle mère

À 54 ans, Sylvie Lemieux a l’impression d’avoir raté sa vie professionnelle, ponctuée par une succession de congédiements. « En 20 ans, j’ai eu 20 emplois différents. Ça ne marchait pas, je faisais trop d’erreurs d’inattention », raconte cette ancienne secrétaire.

Pourtant, les employeurs apprécient son dynamisme, sa ponctualité et sa capacité de travail. En contrepartie, on relève ses lacunes, dont son manque d’organisation et ses oublis fréquents.

En 2012, Sylvie apprend à 50 ans qu’elle est atteinte du TDAH, en répondant à un questionnaire du CLSC remis à sa fille Nancy. « En faisant le test, j’ai réalisé que j’avais le même trouble qu’elle depuis mon enfance. »

Elle aurait souhaité consulter plus tôt. Même son de cloche pour Robert, qui a reçu un diagnostic de TDAH à l’âge de 55 ans. « Je fais du sport et j’essaie des médicaments qui n’ont rien de miraculeux. Si on me parle et que la télé est ouverte, je perds ma concentration », dit-il.

Sylvie a essayé trois médicaments qui lui causaient de l’insomnie et des maux de tête. Aujourd’hui, elle tolère mieux sa médication, qui est jumelée à des séances de psychothérapie. Son tempérament résilient lui a permis de surmonter ses échecs.

La routine à la rescousse

Nancy Bélanger est intervenante pour le projet Accès aux ressources pour le respect des aînés (ARRA). « Plusieurs ont les symptômes du TDAH, comme cette aînée de 60 ans qui n’a pas de filtre lorsqu’elle discute avec les résidents. D’autres se butent à des problèmes d’horaire dus à leur manque de concentration. À 70 ans, certains ont zéro estime de soi. »

Pour sa part, l’ergothérapeute Kathe Villeneuve accueille dans son bureau des professionnels qui ont un TDAH. « Ils ont de la misèredifficulté avec la planification et la procrastination. Une nouvelle tâche requiert une grande énergie mentale. »

Durant ses consultations, Mme Villeneuve leur apprend des stratégies d’organisation. Elle préconise une saine hygiène de vie. « Mes clients, des gens créatifs et spontanés, sont en déficit de sommeil ou oublient de manger, étant complétement absorbés par leur travail. »

La mise en place d’une routine et d’un agenda améliore leur rendement. « Je constate une belle réussite. Certains ont eu des échecs, mais ils continuent à aller de l’avant. J’admire leur détermination. »

Une vie conjugale en montagnes russes

De l’avis des spécialistes consultés, le TDAH nuit aussi à l’harmonie conjugale. « Les adultes viennent souvent nous consulter parce qu’ils vivent des difficultés dans leur couple ou au travail », précise Christine Grou, présidente de l’Ordre des psychologues du Québec et neuropsychologue.

Elle voit la souffrance dans le couple comme un incitatif à la consultation. « Ceux qui ont un TDAH doivent travailler plus fort que les autres. Ils ont l’impression de ne pas être à la hauteur et deviennent souvent anxieux, voire déprimés. »

Prenons le cas des oublis fréquents, l’un des symptômes du TDAH. Sur le point de quitter pour un rendez-vous important, Robert cherche une fois de plus ses clés. Le branle-bas dans la maison s’accompagne de reproches de sa conjointe qui déplore son manque d’organisation.

« Cela crée des frictions et de l’impatience. Le conjoint a l’impression d’être incapable de compter sur son partenaire », indique la neuropsychologue Valérie Drolet, qui évalue les cas de TDAH.

Germaine malgré elle

C’est ainsi que se sent Diane, la conjointe de Robert depuis 38 ans. « Au quotidien, j’ai l’air d’une Germaine, raconte-t-elle, mais je n’ai pas le choix parce que ça prend quelqu’un pour lui dire de terminer les tâches. »

Journalier sur des chantiers de construction, Robert a changé d’emploi à répétition. Ses collègues ont fini par prendre en aversion cet être lunatique qui égarait ses outils. « Il n’était pas productif à cause de son déficit d’attention. Il avait de la misère à mémoriser ce qu’on exigeait de lui », illustre Diane.

Le conjoint d’une personne aux prises avec un déficit d’attention doit donc avoir des réserves de tolérance et d’amour. C’est ce qui fait dire à Sylvie, 54 ans, atteinte du TDAH : « Mon mari en a beaucoup sur les épaules. Il est très compréhensif. Je m’estime chanceuse de pouvoir compter sur lui. »

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6 symptômes du TDAH

  1. Au travail, négligence des détails et fautes d’étourderie.
  2. Difficulté de concentration lors d’une conférence ou durant la lecture d’un long texte.
  3. Oublis fréquents dont le paiement de comptes, se tromper de date pour un rendez-vous.
  4. Incapacité de s’organiser et de respecter les délais. Résultat ? Un travail brouillon causé par une mauvaise gestion du temps.
  5. Perte d’objets dont lunettes, porte-clés, téléphones portables.
  6. Difficulté d’accomplir une tâche qui nécessite une attention soutenue comme la rédaction d’un rapport.

Peuvent s’ajouter à cela des signes d’hyperactivité et d’impulsivité : parler de façon excessive en interrompant fréquemment les autres ou, dans une file d’attente, avoir du mal à attendre son tour.

Pour en savoir plus : caddra.ca/fr/ ou attentiondeficit-info.com/

Source : Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-V), Société américaine de psychiatrie.