Dieu merci pour la popote roulante

Mardi, 8 h 30. Au Centre d’action bénévole d’Iberville (CABI), j’imite une poignée de bénévoles qui nouent leur tablier, ajustent leur filet à cheveux et se mettent au travail, supervisés par la cuisinière Alice Parent. En quelques heures, nous préparerons le repas que quatre équipes de livreurs bénévoles iront porter aussitôt à quelque 90 bénéficiaires, en grande majorité des aînés.

Au moment où l’on s’active dans ce secteur de Saint-Jean-sur-Richelieu, le même scénario se répète dans 150 organismes bénévoles au Québec, et ce, depuis 25 ans. La générosité et l’entraide y tiennent les premiers rôles, joués majoritairement par des 50+ qui se dévouent pour des aînés en perte d’autonomie.

Un bénévolat nourrissant

Line Majeau, fraîchement cinquantenaire, fait partie des 10 000 bénévoles qui font rouler la popote à travers le Québec. Accro au bénévolat, elle met de côté son travail de comptable une journée par semaine, souvent plus, pour être aide-cuisinière. Cela lui procure la satisfaction de mettre à profit d’autres talents et, surtout, le sentiment d’accomplir quelque chose qui va rendre des gens heureux. Œuvrer à la popote roulante, c’est sa fierté, son équilibre.

« Un homme dans mon entourage me disait qu’il ne mangeait que des sandwichs aux tomates depuis que son épouse était décédée. Je lui ai parlé de la popote et il a commencé à la recevoir, ce qui a fait une grande différence dans sa vie. Quand je fais mon bénévolat, je pense à ce monsieur-là », explique-t-elle, tout en garnissant dans le temps de le dire un comptoir complet de pains à sous-marins, un rythme que je n’essaie même pas de suivre, en bénévole novice que je suis.

Popote = maintien à domicile

La formule des popotes roulantes n’a pas de défaut et montre tout le pouvoir de l’entraide. Ce service constitue un élément clé du maintien à domicile si cher aux aînés, qui va bien au-delà des repas livrés tout chauds à domicile. En effet, le personnel et les bénévoles exercent aussi un essentiel rôle de vigie auprès des bénéficiaires, dont certains que ne reçoivent guère d’autres visites que celles du livreur.

« Tous les bénéficiaires sont contactés le lundi pour la sélection de leurs menus de la semaine. S’il n’y a pas de réponse le matin, on m’en avise et je rappelle l’après-midi. Au besoin, le mardi, j’appelle le contact parmi les proches. Aussi, au moment de ces appels ou lors des livraisons, si un client n’a pas l’air d’aller, j’en suis informée et je fais le suivi », explique Suzanne Bricault, adjointe au soutien à domicile au CABI.

Un rapport qualité/prix imbattable

Quant au prix des repas livrés par le CABI, il est imbattable : 6 $. Grâce au bénévolat et à la part de denrées donnée par Moisson Rive-Sud, ce prix est abordable pour tous, à plus forte raison compte tenu du fait que l’appétit n’étant plus ce qu’il était, bien des bénéficiaires font deux repas avec un seul.

C’est le cas de ma mère, 90 ans, cliente de la popote du CABI depuis plus de dix ans. Puisqu’elle se fait livrer deux repas à la fois, presque tous ses repas de la semaine sont couverts par ce service, pour une bouchée de pain. Elle ne tarit pas d’éloges sur le goût savoureux de cette nourriture maison, dont des desserts qui agissent chaque fois comme une dose de pur bonheur.

Ce jour-là, elle se régalera d’une portion de ragoût de boulettes – qu’elle aura préféré à un sous-marin – accompagnée d’une crème de chou-fleur et d’un pouding au caramel.

Mais avant, vers 11 h – les gens très âgés aiment dîner tôt ! –, le livreur Denis Fontaine, 76 ans, aura mis les plats dans sa voiture, aidé par une autre bénévole, Adriana Cardoso-Leandro. « Le principal commentaire des gens est qu’ils trouvent ça bon. Ils disent aussi qu’ils se considèrent chanceux que je fasse ça pour eux. Je continue car les aînés sont attachants », dit celui qui, depuis une décennie, effectue sa tournée bihebdomadaire de deux heures.

Son premier arrêt est chez Denise et Paul Rolland qui, âgés de 84 et 90 ans, cumulent 64 ans de mariage. Ils ont aussi en commun une complète aversion à l’idée de casser maison pour aller vivre en résidence pour aînés.

« Depuis une opération au genou, j’ai de la difficulté à cuisiner car être debout longtemps est douloureux. Je me repose donc les jours de popote. Aussi, ça nous permet d’économiser sur la facture d’épicerie et on peut se payer un dîner au restaurant de temps en temps », résume Mme Rolland. Chaque lundi, lorsqu’on l’appelle pour sélectionner ses plats de la semaine, elle demande qu’on complimente la cuisinière de sa part. C’est tout à fait mérité car Alice est l’âme de la popote roulante du CABI, une magicienne qui, avec l’aide des bénévoles, maximise à merveille des moyens modestes afin de mettre de la saveur dans le quotidien de ses clients aînés.

À votre tour !

Pour trouver la popote roulante la plus près de chez vous, afin de vous inscrire au service ou de devenir bénévole : popotes.org ou 1 877 277-2722.

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Les popotes roulantes au Québec

2 millions de repas par an

30 000 bénéficiaires

10 000 bénévoles

150 organismes bénévoles

16 régions

Source : Regroupement des popotes roulantes

Photo : Bruno Petrozza