Boire pour diluer l’ennui

Leur consommation d’alcool n’était pas excessive jusque-là. Mais voilà qu’une retraite mal planifiée, un deuil, une séparation, la maladie ou autres pertes viennent changer le scénario et donner le premier rôle à l’ennui. Plusieurs se mettent alors à tromper ce triste compagnon de vie avec l’alcool, au point de basculer parmi les consommateurs à problème. Voilà le profil des buveurs tardifs, qui composent le tiers des alcooliques chez les 55+ et viennent s’ajouter aux buveurs au long cours.

Officiellement, la consommation d’alcool à problème serait le lot de 11 à 14 % des aînés canadiens, les hommes représentant 60 % d’entre eux. Toutefois, et en particulier chez les personnes plus âgées, les résultats de ces recherches sous-estimeraient largement la réalité, d’autant que dans de nombreux cas, on attribuerait à l’âge des problématiques de santé plutôt liées à l’alcool : angoisse, perte d’appétit, insomnie, repli sur soi, problèmes digestifs, dépression, pertes de mémoire, chutes, etc.

Quoi qu’il en soit, on assiste actuellement à une augmentation significative du nombre de buveurs excessifs passé l’âge de 55 ans, due notamment au vieillissement de la population. Et le portrait risque de s’aggraver au fil des prochaines années puisque les baby-boomers québécois constituent la première génération ayant grandi dans un climat de grande acceptation sociale de l’alcool, qui pourrait les amener à verser plus facilement dans l’excès.

L’ennemi à abattre : l’ennui

Il faut savoir que l’alcoolisme constitue de loin le principal problème de toxicomanie après 55 ans. Il n’y a pas de ligne claire entre un grand consommateur d’alcool et un consommateur excessif ; cela dépend davantage des problèmes que cause cette habitude et de l’inquiétude qu’elle soulève. Toutefois, la barre des 35 consommations par semaine constitue à coup sûr une dépendance problématique à partir de laquelle une intervention de deuxième ligne est requise.

À cet âge, il existe deux types de consommateurs excessifs : deux sur trois sont des buveurs chroniques et le troisième tiers est composé de buveurs tardifs, qui buvaient selon les standards admis avant de couler dans cette mauvaise habitude après 55 ans.

« L’ennui est le principal moteur de la consommation excessive à cet âge-là, au cours duquel les conflits non réglés du passé tendent également à refaire surface », analyse Ronald Lambert, travailleur social au programme 55+ du Centre de réadaptation en dépendance de Montréal, un organisme public tel qu’il en existe partout au Québec, et dont les services sont gratuits.

Or, l’ennui est exacerbé par la bonne dose de temps libre qui s’ajoute au quotidien au moment de la retraite ou d’une mise à pied. Des pertes comme un deuil, une séparation ou des problèmes de santé augmentent la solitude, l’isolement et l’inactivité, incitant du coup ces buveurs non problématiques à boire davantage pour geler les émotions désagréables qu’ils ressentent.

Désintox, groupes d’entraide…

Stopper la consommation cul sec à ce point-là est très difficile. Et il faut du courage pour demander de l’aide car un long processus, souvent parsemé de rechutes, attend celui qui veut se libérer de l’esclavage de la bouteille.

« La première étape pour quelqu’un qui est admis dans un Centre de réadaptation en dépendance est le sevrage, sous surveillance médicale, d’une durée de 10 jours environ. Ensuite, un suivi est fait en externe pendant six mois à un an, selon une approche globale. Les patients sont aussi invités à participer à différents groupes d’entraide et à un programme leur permettant d’élaborer un projet de vie. Ce dernier élément est central, car si l’on ne change rien à son style de vie, si l’on ne fait rien de différent une fois à l’extérieur, si l’on ne fait pas la paix avec son passé d’une façon ou d’une autre, on risque fort de retomber », résume M. Lambert.

Le travailleur social précise d’ailleurs que moins de 10 % vont réussir du premier coup à se départir de leur dépendance : « Il ne faut pas voir les rechutes comme des échecs, mais comme des étapes d’un processus de détachement qui mènera à la liberté, à force de persévérance ».

À l’aide !

Vous avez un problème d’alcool :

  • Parlez-en à votre médecin, votre pharmacien, une personne de confiance.
  • Contactez votre CLSC, qui offre le programme AlcoChoix+, destiné aux adultes qui s’inquiètent de leur consommation d’alcool, veulent changer leurs habitudes et boivent moins de 35 verres d’alcool par semaine. Trois formules sont proposées : autonome, guidée, en groupe.
  • Contactez le Centre de réadaptation en dépendance de votre région, si votre consommation atteint plus de 35 verres par semaine. Sont offerts : un programme de désintoxication, un suivi individuel selon une approche globale, des groupes d’entraide pour les consommateurs et pour l’entourage, etc.

Un aîné parmi vos proches a un problème d’alcool :

  • Abordez le sujet avec délicatesse et respect, sans l’infantiliser ni lui imposer une façon de faire.
  • Invitez-le à se renseigner et à consulter, en lui offrant de l’accompagner au rendez-vous.